Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/945

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heureux) du feutrage conjonctif est formée par transformation directe de la fibrine qui apparaît dans la cicatrice. On sait que la fibrine est une substance qui se forme dans le sang et produit sa coagulation au sortir des vaisseaux. Au microscope et en examinant une cicatrisation à ses diverses phrases, on voit les réseaux de fibrine nés du plasma sanguin se modifier par degrés insensibles jusqu’à présenter les caractères et la disposition des filaments de la substance fondamentale conjonctive. Celle-ci ensuite se remanie progressivement. Les fibres d’abord désorientées se groupent progressivement et constituent les faisceaux conjonctifs formés de fibres parallèles. Cette métamorphose continue est curieuse à suivre au microscope.

La conclusion de ces expériences, que d’autres ont confirmées, est que les substances intercellulaires du tissu conjonctif sont formées directement par coagulation du plasma sanguin. Par conséquent, — et ceci répond à une question longtemps agitée, — ces substances ne sont pas plus vivantes que ce plasma lui-même. Je n’ai pas à rappeler ici les caractères de la substance vivante qui sont l’irritabilité, la faculté de se reproduire et de faire des échanges avec l’extérieur. Il résulte de ce qui précède, — et ceci est vrai au regard de toutes les conceptions si variées pourtant, et de toutes les définitions admises de la vie, — que la substance fondamentale du tissu conjonctif n’est pas vivante, à l’encontre des cellules qui l’habitent. Et ceci conduit immédiatement à une conclusion curieuse sur laquelle nous reviendrons : étant donnés le poids et le volume proportionnellement énormes du tissu conjonctif intercellulaire dans le corps humain, celui-ci ne contient sans doute, lorsqu’il pèse 70 kilos, que 4 ou 5 kilos tout au plus de substance véritablement vivante.

Pour reprendre mon image de tout à l’heure : le corps humain est une chose vivante au même titre qu’une grande ville par exemple considérée comme un tout : de même que le poids et le volume des maisons de la ville ne contiennent qu’une faible fraction d’êtres vivants, de même notre corps n’est vivant que dans une faible fraction de son poids. Cette fraction est d’ailleurs de beaucoup la plus importante par la noblesse et l’importance de ses fonctions.

Les substances intercellulaires solides ne sont donc pas vivantes. Si elles offrent spécieusement certaines des apparences de la vie, par leur autonomie curieuse et leur faculté de s’orienter, cela parait résulter nettement, d’après les expériences de M. Nageotte, de leur-réaction ; aux circonstances ambiantes. En particulier, on sait que la coagulation des substances albuminoïdes est un phénomène