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Anges et les Saints martyrs se groupent alentour et s’approchent de la fontaine de vie, qui coule au premier plan d’un paysage élyséen des Flandres, hérissé, au lointain, des tours et des clochers de toutes les grandes églises du moyen âge.

Cet ensemble, qui représente dans l’histoire de l’Art le point de départ de la peinture à l’huile réalisée vers 1420, ne doit plus être dispersé. L’Allemagne doit aux Flandres ce dédommagement artistique, auquel il convient d’adjoindre l’Homme à l’œillet, le Christ bénissant et le portrait d’Arnolfini qui sont aussi de Jan Van Eyck, les Matsys, les Dierick Bouts et les Gérard David du Musée de Berlin qui ne sauraient remplacer, cependant, les œuvres d’art détruites en Belgique. Notre grand Roger de la Pastoure est représenté dans le même musée, par un portrait de Charles le Téméraire qui devrait être, de droit, attribué à Péronne, avec ce magnifique retable de l’Adoration des Mages dont la Sibylle de Tibur et l’Arrivée des Mages décorent les deux volets. Notre Mabuse, l’ peintre de Maubeuge, y figure avec un Portrait, qui devrait revenir à sa ville natale, si violemment bombardée en septembre 1914.

On le voit, par ces quelques exemples, les éléments d’une équitable indemnité artistique existent en Allemagne, et chaque petit État peut participer avec les métropoles de Berlin, de Munich, de Francfort et de Vienne à un consortium de réparations des pertes d’art causées par la Schadenfreude. Les bibliothèques germaniques sont assez riches pour rendre à Louvain sa magnifique bibliothèque incendiée, et la compensation des manuscrits détruits peut se faire en consultant les catalogues des trésors livresques d’outre-Rhin, sous la direction d’archivistes paléographes. Tout se paierait, ainsi, par équivalence, si les Alliés veulent bien l’exiger nettement.

Mais il est, dans notre douleur nationale, un point sensible que nous pouvons guérir le premier. Devant l’agonie de Reims, devant cet assassinat d’une grande œuvre, plus illustre dans notre histoire nationale que dans notre mémorial des gloires artistiques, nous devons rendre un solennel hommage à ces grands maîtres qui avaient enrichi la France de leurs chefs-d’œuvre merveilleux. Nous devons les considérer dans cet esprit de piété filiale, de reconnaissance et de simple équité qui nous groupe au chevet d’un aïeul moribond, pour échanger nos souvenirs d’enfance dont il était le centre, redire ce qu’on