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est d’autre costé, vis-à-vis et opposite de cestz-ci, est l’image d’un Bernard de Soissons, qui fit cincq voûtes et ouvra l’O, maistre de ces ouvrages l’espace de trente-cincq ans. En la dernière, qui est à l’opposite de la chaire du prédicateur, est l’image d’un Jehan d’Orbais, maistre desdits ouvrages, qui encommença la coiffe de l’église.


D’où il ressort, avec évidence, ce qu’on savait déjà d’autre part, que Jehan d’Orbais fut l’architecte général de l’ensemble et le directeur des travaux de l’abside qui renferme le chœur, — la partie primitive de toutes les cathédrales, — appelée, ici, « la coiffe, » parce qu’elle correspond à l’emplacement du chef sanglant du Crucifié, dont la cathédrale figure l’instrument du supplice, les deux bras du transept représentant les branches de la croix. Or, si l’on suit l’ordre chronologique de la construction d’une cathédrale, selon les indications de ce document, en partant du 6 mai 1211, date de la pose de la première pierre par l’évêque Aubry de Humbert, on trouve que Jehan d’Orbais et Jehan le Loup menèrent l’œuvre jusqu’en 1241, date de la consécration du chœur et du transept par le Chapitre. Ce qui attribue le plan d’ensemble et la construction effective du chevet avec ses cinq chapelles rayonnantes, des arcs-boutants à double volée, des pinacles abritant les sept Anges, à maître Jehan d’Orbais, laissant à Jehan le Loup l’honneur d’avoir exécuté le triple porche latéral du Nord, les magnifiques statues du tympan, du meneau, avec le Beau Dieu, et des ébrasements, qui sont peut-être perdus aujourd’hui sous les ruines de la basilique. Vient ensuite la grande tâche de Bernard de Soissons, « qui fit cinq voûtes et ouvra l’O, » ce qui veut dire qu’il construisit la fin de la grande nef, les bas côtés latéraux et la grande rose de la façade, au-dessous de la galerie des Rois.

Il reste ainsi à Gaucher de Reims l’immense gloire méconnue d’avoir œuvré « durant huit ans aux voussures et aux portaux, » lesquels ne peuvent être que les trois porches surmontés de sables de la façade occidentale.

Ce qui nous porte en 1249. Car, si l’on suit l’ordre normal d’une construction de cette espèce, en consultant le si précieux dessin de la Sainte Barbe de Jean Van Eyck, qui nous montre un chantier d’église ogivale en activité d’érection d’une tour, il est hors de doute que la construction de la grande nef et des trois porches principaux a dû se faire par une série d’arasées