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L’ALSACE ET LA LORRAINE RETROUVÉES.

retranché de Metz, en l’honneur de la France. Et soudain, le roulement des tambours de l’infanterie française, les sonneries vibrantes de nos clairons, la cadence du pas de nos fantassins, le scintillement des baïonnettes, l’approche des régiments mis en marche au rythme entraînant de Sambre-et-Meuse. Vision de gloire et d’épopée, moment unique dont les plus nobles mots de notre langue, si riche pourtant d’éloquence et de poésie, seraient incapables d’exprimer complètement l’émouvante beauté. Les visages de nos soldats, de nos enfants, sous le casque d’acier qui précise leurs traits en des images historiques et déjà légendaires, sont graves et doux. Ils semblent dire, ces grands soldats silencieux, ils semblent dire aux Français enfin retrouvés dans la Lorraine longtemps captive : « Voilà. Nous avons travaillé. Nous avons combattu. Nous avons souffert. Nous sommes contents si vous êtes contents de notre ouvrage. » Ils rapportent la France dans les plis de leurs drapeaux acclamés. Ils sont les bons ouvriers de l’œuvre nécessaire. Ils sont la jeunesse de la patrie, la fleur de la nation, l’élite des familles qui les ont donnés au pays, depuis plus de quatre ans, pour défendre simplement, héroïquement nos foyers menacés. C’est pourquoi, sous leurs armes de guerre, ils sont à la fois si glorieux et si magnifiquement modestes. On voit briller au passage des bataillons, des escadrons et des batteries, le salut étincelant des épées, frissonner les drapeaux et les étendards salués par le maréchal qui, sans rien dire, immobile et pensif, porte la main à son képi, d’un geste lent et grave, au passage des couleurs de la patrie, tandis que sous ses yeux défilent ceux qui ont eu l’honneur d’être, sous ses ordres, les combattants du bon combat, sur le chemin de la victoire.

La Lorraine regarde. Elle regarde plus qu’elle ne parle. À quoi bon parler ? Quelle parole rendrait l’émotion qui étreint les cœurs ? Et les régiments défilent sous des yeux extasiés. On les reconnaît au passage. On distingue leurs numéros, on signale leurs fanions. On nomme les généraux et les colonels qui passent à cheval. Ce sont des régiments du 20e corps d’armée, si populaire au pays lorrain, et qui s’est rendu célèbre par de si éclatants exploits, au cours de la guerre. C’est Foch qui le commandait, à Nancy, au moment de la mobilisation.

La 39e division, sous les ordres du général Pougin, a été