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L’ALSACE ET LA LORRAINE RETROUVÉES.

des voix qui se réjouissent doucement, de bonnes figures d’enfants à embrasser. Et que de questions !

— Aurons-nous bientôt la poste ?

— Avez-vous des journaux de France ?

— Qu’est-ce qui se passe ?

Ces braves gens ne connaissent à peu près rien des événements récents qui ont retourné la face de la guerre et changé à notre profit, le cours des choses. Ils ont vu les Allemands partir. Les jeunes garçons du village, envoyés en reconnaissance, à bicyclette, ont annoncé l’approche de nos alliés, la délivrance. Alors, on a fait un drapeau avec des bouts d’étoffe bleue, blanche et rouge. On l’a hissé tout au haut du clocher, si haut qu’il domine toute la commune.

Et nous repartons à regret, au milieu des souhaits et des bénédictions :

— Bonjour !… Bonjour !… Revenez bientôt ! Dites à Paris qu’on rétablisse la poste, qu’on nous envoie des lettres, des journaux, des nouvelles !

À Lubey, petite commune du canton de Briey, il y a deux habitants et un drapeau. La commune de Lantéfontaine, jadis prospère et florissante par ses laiteries, ses exploitations de carrières, sa scierie mécanique et ses entreprises de transports, est encore marquée de l’empreinte des Boches. Au bout du village, on trouve une villa Totermann. Mais que dirait ce Totermann, s’il pouvait revoir sa « villa ? » Elle est toute fleurie de drapeaux tricolores.

Une descente assez rapide, où l’auto route doucement, entre deux rangées de maisons dont les fenêtres s’ouvrent comme des yeux inquiets. Ce cri :

— Des Français !

C’est Briey, la cité industrielle, le centre du bassin minier, le réservoir du fer lorrain que l’Allemagne employait, depuis plus de quatre ans, à fabriquer des armes contre la France. L’aspect de Briey n’a rien qui ressemble aux traits habituels des paysages métallurgiques. La présence des hauts fourneaux ne gêne pas les voyageurs, satisfaits de rencontrer en ce canton réputé surtout pour la fécondité de son sous-sol, pour la puissance de ses forges et de ses aciéries, une petite ville accueillante et douce, aimablement située entre le bois des Chèvres et le bois Saint-Martin, dominée par le clocher carré