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« Plus qu’un coup de collier, et ça y est, mes braves ! »
Et ça y est ! Jamais ça n’y est qu’à peu près,
Mais à recommencer nous sommes toujours prêts.
On croit qu’on ne peut plus : on peut. Telle est la France.
Qui sera le vainqueur ? — Celui qui recommence.
Celui qui se dénigre afin de faire mieux.
Le modeste mettra le pied sur l’orgueilleux.
Le beau peuple toujours mécontent de lui-même
Battra le peuple affreux qui s’admire et qui s’aime.
Car grâce à cette guerre enfin on s’aperçoit
Que c’est être vaincu que d’être sûr de soi.
N’en pas être content, n’est-ce donc pas le doute ?
— Non, c’est la foi dans tout ce que l’effort ajoute.)
Versailles ne devint un chef-d’œuvre éclatant
Que parce que le Roi n’en fut jamais content.

Quelle est la Sainte de la France ? Est-ce encor Jeanne ?
— C’est elle. C’est toujours la même paysanne
Qui laissait la quenouille autrefois pour l’estoc :
Elle quitte aujourd’hui le fuseau pour le soc.
Et l’Archange est-il là ? — Toujours. Mais son nom change.
Comment appelait-on autrefois cet Archange ?
— Monseigneur Saint-Michel-du-Péril-de-la-Mer.
Comment s’appelle-t-il aujourd’hui ? — Guynemer.
Quels sont ceux qui nous ont sauvés ? — Toujours les mêmes.
Qu’entendez-vous par-là ? — J’entends, maigres et blêmes,
Toujours les mêmes qui, de la même façon,
Marchant, creusant la terre et combattant, se sont
Habitués à nous sauver depuis Bouvines.
Sur leur front, aujourd’hui plein de sueurs divines,
La couronne de ronce est en fils barbelés.
Comment s’appellent-ils ? — Ils se sont appelés
De tous les noms que jette aux sans-nom la Bataille :
Enfants Perdus d’abord ; puis Gens de Pied, Piétaille,
Pédaille, Pionniers, Pions ; groupés au son du cor,
Ils se sont appelés Enfants Perdus encor,
Compagnons et Routiers, Ménadiers et Maheutres,
Piquichins ; ils se sont, sous les bérets, les feutres,
Les casques, les malheurs, les coups et les fardeaux,
Appelés les Wétaux, les Pitaux, les Bidaux,