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Les empires faits de gloire meurent d’une déroute ; les empires faits de honte d’une banqueroute.


Le communisme, c’est vieux comme la barbarie, vieux comme le commencement, c’est vieux comme l’enfance.


Vienne une révolution, laissez passer les années, et ces profondes couches populaires, cette populace, cette canaille souvent sublime, et il en sortira de quoi bâtir des Temples. Les plus beaux marbres sont faits de la boue du déluge.


IV. — OCTOBRE 1871 A JANVIER 1872. — JANVIER A AOUT 1877

Il y a deux lacunes dans les extraits des Carnets de Victor Hugo que M. Gustave Simon a publiés dans le second volume de Choses vues (édition de l’Imprimerie nationale). L’une embrasse la période écoulée entre le mois d’octobre 1871 et la seconde quinzaine de janvier 1872. L’autre s’étend du 1er janvier au 1er août 1877. Les deux carnets que je possède comblent ces vides. À la différence de ceux que j’ai déjà analysés, ils ne renferment pas des notes prises par Victor Hugo en vue d’œuvres littéraires ; ils sont plutôt une sorte de mémorandum quotidien où le poète enregistre les faits de sa vie et tient la comptabilité de ses actes aussi bien que de ses dépenses. Tout s’y trouve et il s’en faut, par conséquent, que tout ait le même intérêt. Il y a de menus détails, des dates et des chiffres, qu’il serait fastidieux de reproduire. Il y a aussi des incidents de la vie familiale quoi serait indiscret de révéler. Je n’extrairai donc de ces Carnets que les choses essentielles, celles qui font mieux connaître le grand homme et qui ajoutent soit à sa physionomie propre, soit aux événements dont il fut l’acteur ou le témoin.


Mercredi, 11 octobre 1871. Après le dîner est venu M. John Pradier, fils du statuaire. Homme distingué, mais fataliste et préoccupé de chiromancie. Il a regardé nos mains. Il m’a dit qu’il lui faudrait pour parler des miennes avoir sous les yeux en même temps celles de Dante et de Shakspeare. Il a prédit à Victor de grandes destinées, y compris la gravure. Il lui a dit en regardant la ligne de vie : Vous avez dû être en danger de mort vers l’âge de douze ans. (Ce qui est vrai. En 1842, époque de sa pleurésie purulente, Victor avait treize ans.) Il a ajouté :