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Huit jours plus tard, les « otages » qui ont demandé à rentrer dans la région encore envahie reçoivent, à leur tour, l’ordre de préparer leurs bagages : « Après avoir signé notre libération, raconte Mme V… un officier nous dit : — Mesdames, vous pouvez garder votre matricule comme souvenir, mais à la condition de payer un mark… Nous avions été internées quatre cents, cela faisait donc quatre cents mark. La somme n’est pas grosse, mais les Allemands ne dédaignent aucun petit profit. »

Le départ a lieu sans incident ; cependant, bientôt, les émotions ne manquent pas aux voyageuses, non plus que les souffrances. Bonnement, elles s’imaginaient qu’on allait les ramener, en droite ligne, aux villes où on les avait enlevées. Il n’en est rien : « À Montmédy, on nous fait toutes descendre de wagon, on nous emmène à la forteresse, on nous y emprisonne. Les unes sont enfermées dans les casemates, les autres obtiennent, par faveur, de coucher dans l’église de la citadelle. On nous donne quelques mauvaises paillasses ; nous les portons nous-mêmes jusque dans le chœur ; mais il n’y en a pas assez pour tout le monde ; beaucoup couchent par terre ou dans les bancs, dans les stalles. « On nous laisse ainsi durant six jours, et, comme nous n’avons plus de provisions, nous retombons à la gamelle, à l’infecte soupe aux rutabagas. »

Enfin les prisonnières sont extraites de la citadelle et reprennent leur voyage. Elles sont rendues à leurs familles. Leur émotion est grande, leur joie infinie : « Après tant d’épreuves, m’a dit l’une d’elles, il nous semblait que nous sortions d’un tombeau pour renaître et la vie. »


HENRIETTE CELARIE.