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don Juan ont été extrêmement rompus en campagne. C’est une grande bénédiction de Dieu que ce qui a été entrepris ait réussi si heureusement. J’espère qu’il nous bénira en autre chose : il faut se remettre à sa volonté. Devant Dunkerque. »

À peine M. de Turenne achevait-il ces mots qu’à la portée du canon, on pouvait voir Dunkerque, ses faubourgs, son port, ses moûtiers, ses halles, les flèches de ses églises et la tour de son beffroi, montrés comme en relief, se dresser à grands traits sur la mer. Un peu à l’écart, disposé de telle sorte et en saillie qu’on eût dit la clef même du système entier de défense, s’avançait le fort Léon. M. de Castelnau ne l’eut pas plutôt aperçu, qui s’élevait au-dessus des bastions, des redans, des fossés et des ponts qu’il lui sembla qu’il n’y avait, pour atteindre ce fort, qu’à pousser une action un peu vive, tenter l’assaut, franchir les portes et, par la possession d’un tel ouvrage, s’assurer de celle du reste.


V. — JACQUES DE CASTELNAU, MARÉCHAL DE FRANCE

Dans ce dessein, et pour activer les travaux d’approche autour de ce fort, M. de Castelnau, suivi du marquis de Varennes, du comte de Ligniville, des sieurs de Rouvray et de Létancourt qui s’étaient illustrés sous ses ordres au combat des Dunes, se porta, à quelques jours de là, sur le chemin de Mardick et vers Lestrang, de ce côté de Dunkerque.

Vêtus de bleu foncé et de rouge vif, qui sont les couleurs de la Maison du Roi, à laquelle la plupart d’entre eux appartenaient, ces gentilshommes, sous le soleil de juin et sur la blancheur des sables, formaient une petite troupe fort brillante. C’est à de pareils cavaliers, parés magnifiquement et qui se rendaient au combat comme à une fête qu’Alfred de Vigny a pensé quand il a écrit qu’ils se revêtaient de telles couleurs « pour être mieux vus des leurs et visés de l’ennemi. » Le fait est qu’à une grande distance, tant de Mardick où étaient les Français que de Dunkerque où Guillaume de Lede veillait en sentinelle aux approches de la place, on pouvait distinguer ce petit groupe au centre duquel M. de Castelnau, lieutenant-général, le bras levé dans la direction des travaux de défense, semblait donner des ordres pour l’investissement.

À cet endroit des Dunes, le fort Léon ne paraissait pas