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développement à la fois si plein et si harmonieux, il y a bien en effet quelque chose de grave, de sublime, et, pour tout dire, de cornélien. Cela n’est pas vrai seulement au figuré, mais s’affirme encore dans cette sorte de ressemblance qu’un même temps établit entre les hommes. Ainsi, en 1636, tandis que Corneille écrit le Cid, Castelnau se fait remarquer à Corbie ; en 1645, l’année de Rodogune, il se signale à Nordlingen avec éclat ; et, dès 1652, l’année où le poète de Rouen fait jouer Nicomède, on voit Castelnau triompher à Mouzon.

Ainsi, de même que celle du poète, la carrière du soldat est chargée d’œuvres ; et ces œuvres ce sont, au lieu de tragédies acclamées, des lauriers conquis, des prises et assauts de villes, levées de sièges, secours portés aux places, combats livrés et gagnés un peu partout. Tant d’actions, espacées sur plus de vingt ans de campagnes à nos frontières, exigeraient, si l’on voulait en faire le compte exact, un long récit. Mais, comme Saint-Evremond l’a écrit de Turenne avec vérité, un pareil détail de ces services en « rendrait le caractère languissant. » Et, ce n’est, à proprement parler, qu’à l’aide de grands faits comme Nordlingen ou les Dunes, représentatifs de sa valeur, que nous nous proposons de montrer Castelnau.

Par une singularité dont la cause est dans la disposition du terrain même, le contour des rivages, la ligne des eaux, surtout l’étendue des plaines si fertiles, coupées de canaux, de marais, dominées de moulins à grandes ailes et de beffrois, la région du Nord, de nos jours comme jadis, fut toujours le champ clos des nations, le pré carré disait Vauban. Et, sur ce pré carré, permettant en de grands espaces, ainsi que dans les œuvres de Van der Meulen, le déploiement de l’infanterie aux uniformes bleus et blancs, le galop des hussards, chevau-légers, dragons, mousquetaires et gendarmes rouges, enfin l’évolution du canon et des bagages, les rencontres entre Français, Anglais, Impériaux, Espagnols, Flamands, se heurtèrent toujours en de rudes assauts, charges furieuses, combats de l’épée ou du mousquet.

Pas plus que, Turenne, Condé, surtout Vauban, Jacques, marquis de Castelnau n’échappa à cette sorte de domination que ce grand terrain des guerres (et, plus particulièrement la Picardie, l’Artois, la Flandre) exerça toujours sur les capitaines du temps de Louis XIV. La longue suite de ses exploits avait