Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/644

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

envoya le cardinal Mazarin et, comme il était dans une affliction infinie de tout ce qui était survenu, il s’écria à plusieurs reprises et d’un ton altéré, en répétant le nom de Castelnau : « Que voulait-il faire ? N’avait-il pas assez de gloire ? » Aussi voulut-il que, sur les lettres d’élévation au maréchalat que, peu de jours après, il signa en faveur de ce grand capitaine, il fût fait mention « des marques très honorables des blessures » que Castelnau portait en de nombreux endroits du corps. Jadis Henri IV, dont Louis XIV était le digne descendant, n’avait pas témoigné de plus d’empressement auprès de M. de Batz. Apprenant le coup fatal dont ce gentilhomme avait été navré à Coutras, il avait exprimé son désespoir en écrivant au blessé la lettre si belle commençant par ces mots : « Votre blessure de Coutras me fait véritablement plaie au cœur. » Et c’était, cette fois, un chagrin aussi extrême, une douleur aussi poignante dont se trouvait témoigner le jeune Roi, à la nouvelle de la blessure de M. de Castelnau.

Après Nordlingen, cette terrible et chaude affaire où le lieutenant-général manqua périr, Son Eminence exigea qu’on la tînt au courant, chaque jour et jusqu’à guérison des suites d’une blessure qui ne laissait pas de mettre en danger des jours si précieux. Tantôt c’est à Turenne que Mazarin, de Paris, mande de lui envoyer des nouvelles du « pauvre Castelnau. » A Monsieur le Prince, il écrit d’autre part, après Nordlingen, en s’exprimant avec le même cœur : « Je remets cela et plusieurs autres choses à ce que M. Le Tellier vous en écrit par le même, vous suppliant de considérer M. le marquis de Castelnau qui commande mon régiment d’infanterie française dans les occasions qui pourraient se présenter pour l’avancer. Je me persuade que vous vous porterez à l’obliger par la considération que je l’estime et l’affectionne. »

Cette estime et cette affection ; Son Eminence en prodigua toujours et jusqu’à la fin au marquis de Castelnau les marques les plus sensibles ; et cela, non seulement par des grades, faveurs méritées comme être du Saint-Esprit, mais encore par des charges et bénéfices auxquels il entendit qu’il participât comme il était juste. Ainsi, après les sièges si favorables que le lieutenant-général avait entrepris et menés à bien dans le Nord, notamment à Mardick, Béthune, Armentières et Landrecies, Son Eminence voulut que cet officier reçût