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Saint-Dizier joignit encore « la gloire de s’être trouvé aux principales batailles de son temps telles que furent celles de Dreux, de Jarnac et de Moncontour ; » mais, ajoute-t-il presque aussitôt, en s’adressant au descendant d’un si grand homme, « il vous a laissé, pour votre partage, le haut éclat des emplois militaires. »

C’est justement parce qu’il brilla dans ces emplois et s’éleva, parmi eux, au rang suprême, que nous n’essaierons de retracer ce portrait d’un soldat qu’au moyen de ces contours pleins de relief et de ces lignes vivantes dont il semble que la nature se soit plu à composer ce martial et profond visage. Il faut dire qu’à cela l’artiste rémois Robert Nanteuil, qui prêta son burin à la représentation de tant de figures de son temps, réussit à la perfection. C’est en effet à ce savant maître que nous devons le portrait de Jacques, marquis de Castelnau, maréchal de France, lieutenant-général des armées du Roi en Flandre, gouverneur de Brest, nommé à l’ordre du Saint-Esprit, tel qu’il figure en tête du grand ouvrage de Le Laboureur. Certes, dans un autre genre (puisqu’il s’agit d’un portrait écrit ! ) le portrait de Turenne, tracé par Bussy-Rabutin et que Sainte-Beuve trouve « l’un des plus expressifs et des plus parlants, » offre bien de l’accent et de la vigueur ; mais ce portrait de Castelnau, gravé par Nanteuil, est, dans un art tout différent, non moins admirable.

Le maréchal est, dans ce portrait achevé, représenté de trois quarts ; son col, en toile de Hollande, rappelle celui que Franz Hals, dans le chef-d’œuvre du Louvre, a prêté à Descartes ; une écharpe, jetée à plis amples, enveloppe l’épaule, recouvre à moitié la croix de l’ordre du Saint-Esprit et redescend sur l’armure. Pour la physionomie, encadrée d’une chevelure bouclée à la mode du XVIIe siècle, elle est fine, spirituelle, bienveillante. Le nez long, la bouche bien modelée ne sont pas sans malice ; le front est ample, le menton rond, les plis des joues longs et réguliers. Les yeux sont animés, vivants ; le regard en est franc, direct, et, par sa résolution et sa puissance. trahit une âme forte, active, capable d’élan et de volonté. « Il était, a dit Pilet de la Mesnardière (Relations de guerre), en parlant de Castelnau, homme de grande mine, de grande ambition et de grand cœur. » Le fait est que, dans ce portrait gravé au mieux par Nanteuil, il apparaît tel que nous aimons à nous figurer un homme de sa condition. En vérité, ni Rigaud ni