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c’était au duc d’Enghien, par le mouvement offensif que ce prince communiqua à tout l’ensemble, qu’était due la part la plus importante de cette victoire. Le fait est que Monsieur le Prince, avec cette jeunesse et cette ardeur qui donnaient tant de force à son génie, se jeta comme un lion dans cette mêlée. À cheval, noir de poudre, son bel habit en lambeaux, le panache au vent et l’épée au poing, il chargea avec tant de fougue et sa frénésie était si grande que M. de Mercy, en l’apercevant, ne put se tenir de s’écrier que « Dieu avait tourné la tête aux Français. » Le fait est qu’il l’avait tournée à Monsieur le Prince, mais, pour le bien de l’État ; et cela d’autant mieux, — tellement l’ennemi était puissant, bien retranché, surtout dans Allerheim, — qu’il n’y avait pas à différer, mais qu’il fallait vaincre ou mourir.

En cette extrémité, le marquis de Castelnau accomplit de véritables prodiges de valeur. Chastellux étant tombé, frappé par le canon bavarois, c’est à Castelnau que le duc d’Enghien fit appel pour prendre le commandement ; Monsieur le Prince savait que Castelnau, qui avait si bien suppléé Mauvilly à Fribourg, agirait de même, cette fois, au lieu et place de Chastellux. Cette attente fut si justifiée que M. de Castelnau prit de suite, de moitié avec Marsin, les dispositions les plus promptes pour attaquer Allerheim.

Il suivit de tout cela une si rude mêlée que le fameux Mercy, le plus grand général des Allemands, se trouva bientôt défait d’un coup de feu. Pour M. de Castelnau, jamais il ne s’était abandonné autant à son courage. » Deux chevaux tués sous lui, six coups de mousquet sur son corps ou dans ses armes » témoignent assez de la fureur avec laquelle il se jeta dans Allerheim. Il n’y avait pas d’endroit dans la bataille où, selon Turenne, « le combat fût plus opiniâtre. » Celui-ci devint si meurtrier et les pertes qui en résultèrent furent si terribles qu’Impériaux et Français en éprouvèrent à peu près autant de dommage.

Du côté des premiers, Mercy tomba, de l’autre Bellenave. Les Allemands eurent Gleen prisonnier, les Français Grammont. Pour M. de Castelnau, exposé au premier rang, une horrible blessure se trouva être le prix de son courage. Une balle de mousquet, ayant pénétré dans l’aine droite, lui avait percé la vessie puis était ressortie par le haut de la cuisse gauche. En cet état, il souffrit mille morts ; mais cette bataille,