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maréchal de France ; mais, il voudrait de bon cœur que vous vous portassiez bien et être obligé de vous faire connétable[1]. » Le fait est que, sauf le vicomte de Turenne que Louis XIV se réservait d’élever, par la suite, au grade suprême de maréchal-général, il était à ce moment peu de chefs d’armée qui fussent, autant que Castelnau, dignes de recevoir ce titre. Mais, de Corbie, en 1636, où son régiment se signala dans une manœuvre désespérée et qui sauva la France, à l’affaire des Dunes en 1658, point culminant de sa carrière, il y a, pour Castelnau, plus de vingt années de campagnes difficiles et, dans celles-ci, d’assauts furieux, de combats sans nombre.

En vérité, il y avait peu d’hommes qui souffrissent moins que lui le repos et la mollesse. L’action était pour lui une nécessité, et, cela était si certain que, dans une affaire, il ne se contentait pas de veiller à l’ensemble ; mais encore il mettait la main à tout, portait son initiative aux autres emplois et n’avait de cesse que le moindre détail ne fût prévu. Général comme Guébriant ou comme Turenne, Castelnau devenait, si la circonstance le commandait, ingénieur comme Vauban ou comme de Ville. Cela se passa de la sorte au siège de la Bassée dont il releva les fortifications, à celui de Furnes (1648) où, pour animer le zèle des soldats, il prit part lui-même aux travaux, « couchant dans la tranchée sur la terre mouillée[2] ; » enfin, devant Mouzon (1652) où, dit son biographe, Le Laboureur, « il joignit aux périls de sa charge les fatigues et les hasards du métier d’ingénieur parce qu’on en manquait. » Partout, et dans quelque situation que ce fut, les combattants et les travailleurs le voyaient toujours debout au milieu d’eux.

A Fribourg, Castelnau se tint si constamment en vue de l’ennemi qu’il ne semblait pas en être éloigné de la portée d’un pistolet ; au siège d’Arras (1654), il s’éloigna si peu des lignes que le cheval qu’il montait fut tué entre ses jambes. Devant la Capelle, à Valenciennes (1656), il n’y avait que lui et M. de Vauban pour témoigner du danger autant de mépris. A la

  1. LE R. P. HYACINTHE CHERPIGNON : Oraison funèbre de Monseigneur le Maréchal de Castelnau, prononcée à la cérémonie de ses obsèques, en l’église des P. Jacobins de Bourges, lieu de sa sépulture, le 12 novembre 1658.
  2. J. LE LABOUREUR : Histoire généalogique de la maison de Castelnau, en préface aux Mémoires de messire Michel de Castelnau (Paris, 1659, 2 volumes, in-folio).