Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’escrime, la danse, le jeu de paume ; et, c’est là que Monsieur le Prince, encore duc d’Enghien, admis rue Vieille-du-Temple à peu près dans le même temps que Castelnau, étudia, en plus du reste, la fortification, la géométrie, le lever des plans et cet art de tracer des cartes que le sieur de Beaulieu commençait dès lors de porter à un point si haut de perfection.

Savoir lire Tacite et César dans le texte, être propre aux combats de l’épée, apte à dompter un cheval en même temps qu’être prompt aux assauts de l’esprit et jeux du bal, voilà les connaissances apparemment contraires les unes aux autres, mais cependant convenables aux gens de mérite, qu’un sévère programme exigeait des officiers en formation. Toutefois, bien avant que de recevoir l’esponton, cette sorte de pique qui était l’insigne de leur grade, il fallait encore que ceux-ci passassent de la théorie à la pratique et fissent comme soldats l’apprentissage de la guerre. « Les gens de guerre, avait dit à propos en son vieil et solide langage le savant Jean de Bueil, sont nés et ordonnés à peine et à travail ; » « le métier de soldat, devait ajouter, au siècle suivant, le chevalier de Méré qui s’y entendait, est le plus beau du monde ; » mais, en un temps où ce « métier » commençait de donner à notre pays sa physionomie et sa grandeur, on exigeait beaucoup de ceux qui étaient admis à l’honneur de commander. La condition la plus rigoureuse était qu’ils servissent d’abord dans la troupe, qu’ils assistassent à un ou deux sièges et fissent, sans aucun titre, campagne dans le rang le plus humble.

Turenne et le futur maréchal de Guébriant servirent d’abord de la sorte dans l’infanterie ; l’illustre Vauban débuta de même au régiment de Condé, portant deux ans le mousquet ; au passage du Rhin, Villars n’était que volontaire. Gassion commença ses exploits aux gendarmes, Fabert aux gardes françaises, et c’est un fait que Feuquières, Gatinat et nombre de maréchaux et lieutenants-généraux apprirent, dans le rang même, la pratique d’un art dans lequel ils se devaient de briller un jour.

Un stage dans une armée éprouvée, au milieu de soldats qui avaient fait la guerre, devenait de cette façon le meilleur complément aux leçons de l’Académie. Le vicomte de Turenne et Monsieur le Prince, alors duc d’Enghien, n’avaient pas failli à cet usage ; le baron de Sirot, l’un des vainqueurs de Rocroi