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conclure sans hésiter que le nombre des partisans de la paix grandit en Allemagne.

La thèse du parti de la paix est en apparence aussi simple. « Paix sans indemnités et sans annexions, » voilà la formule. Mais ceux qui la répètent sont embarrassés pour dévoiler leurs motifs et leurs intentions. Au fond, ils pensent que les sacrifices accomplis ne peuvent plus être compensés par des résultats suffisants, que tant de victoires pourraient bien demeurer stériles. Ils pressentent pour le lendemain de graves difficultés économiques et souhaitent de liquider une affaire qui menace de devenir onéreuse. Cependant ils ne veulent pas renoncer à tous les avantages d’une paix victorieuse. Ils se contenteraient, pour cette fois, de modérer les profits territoriaux et de déguiser les annexions en protectorats économiques, tout en se ménageant la possibilité de reprendre la partie qui, décidément, fut mal engagée. Quant aux indemnités, ils consentent, — peut-être, — à n’en pas demander pour eux-mêmes, mais il n’entre pas dans le cerveau d’un Allemand que l’Allemagne puisse un jour avoir à réparer les ruines qu’elle a causées dans le monde entier.

A partir de décembre 1915, il a y donc conflit entre deux politiques. Les uns jugent utile de poursuivre la guerre impitoyablement, quitte à augmenter encore le nombre des ennemis de l’Allemagne. Les autres veulent la terminer le plus tôt possible ; quitte à abandonner quelques-unes des grandes ambitions de 1914 ; ils sont toujours convaincus que l’Allemagne est invincible, mais ils ne sont plus certains de la victoire totale. C’est ce dernier parti que l’on verra grandir et se fortifier pendant l’année 1916 et la première moitié de l’année 1917. La mauvaise alimentation, la lassitude et toutes sortes de déboires travailleront en sa faveur, jusqu’au jour où l’écroulement de la Russie ranimera tous les espoirs, réveillera toutes les convoitises.


ANDRE HALLAYS.