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des agonis prussiens et, dans tous les cas, transporté à Metz avec des menottes. Cette nouvelle tombe sur nous comme un coup de foudre. Depuis quatre mois, nous vivons sur un tonneau de poudre. Est-ce l’allumette qui va faire tout sauter ?

A la réception du ministère des Affaires étrangères, hier, pendant que Bartet et Febvre jouaient les Brebis de Panurge, je causais de l’incident avec Ed. Hémont et un jeune attaché du ministre, qui a l’air fort intelligent. Ils y voient une provocation, le désir pour l’Allemagne de montrer aux populations alsaciennes et lorraines en fermentation qu’elles n’ont rien à attendre de la France ainsi souffletée. Il y a quelque chose dans l’air, me disait Campbell Clarke, l’Allemagne veut mettre la France en demeure.

Déroulède a donné sa démission de président de la Ligue des Patriotes. Un Français a tenté, à Madrid, d’assassiner Bazaine. Tout cela arrivant à la fois, cause un malaise. On se sent vaguement menacé. Mais les misérables sont à Metz, nombreux et tout prêts.

C’est en sortant d’un banquet donné par le Stanley Club à la Comédie, que j’ai, au ministère des Affaires étrangères, causé de l’incident de Pagny-sur-Moselle. La réception était belle, mais triste. Voitures en rang, dans la cour. Gardes municipaux à cheval devant le perron. Flourens debout dans la salle de spectacle. Ambassadeurs allant, venant ; des Turcs, des nègres, vautrés sur les divans de soie rouge.

L’attaché militaire allemand aurait dit : — Il est impossible qu’il n’y ait pas un malentendu !

Floquet me téléphone à l’instant qu’il n’a pu aller au quai d’Orsay hier. Il m’attendra ce soir.

— Et le commissaire ? Est-ce arrangé ?

— Oh ! non !… C’est très grave ! (Onze heures du matin.) À ce soir.


25 janvier 1888.

Midi. — Funérailles du commandant Brasseur. Vieux invalides dans la grande église. Sous ces drapeaux déchiquetés, brûlés, autrichiens, mexicains, chinois, entre Moncey, duc de Conegliano, et Oudinot, duc de Beggio, devant le monument doré-de Napoléon, le pauvre cercueil, le képi de commandant d’invalides, tout neuf l’uniforme non usé, l’épée du Bourget, les