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aux réserves de Foch, un simple épouvantail ! sans doute elles ne sont pas encore anéanties, mais elles ne sont plus en état d’arrêter la poussée victorieuse des armées allemandes.

Ces explications sont loin de calmer la nervosité générale excitée par l’énormité des pertes. De fausses nouvelles, — bonnes ou mauvaises, — se répandent dans tout l’Empire. Un jour, une panique se répand dans l’Ouest : le Kronprinz bat en retraite, Albert est perdu, les Anglais ont fait 40 000 prisonniers. Puis la nomination du général Foch comme généralissime des troupes alliées donne à penser qu’il pourrait bien y avoir quelque chose de changé dans la suite des opérations : erreur ! disent les journaux, le généralissime va entrer en conflit avec Pétain, et jamais les Anglais n’accepteront la direction d’un étranger.

Ces craintes et ces objections se perdent, d’ailleurs, au milieu du tintamarre que font les pangermanistes. Ceux-là sont bien décidés à exploiter la victoire, à l’intérieur et à l’extérieur. Ils dressent des listes d’annexions ; Thyssen, un des chefs de la métallurgie allemande, réclame Nancy. Le dernier message de Wilson faisant appel à la force exaspère leur fureur. Les partisans d’une « paix de conciliation » sont en pleine déroute. La « Ligue populaire pour la patrie et la liberté, » qui s’est créée pour combattre la ligue de Tirpitz « le Parti de la patrie allemande, » concède elle-même que « la demande d’indemnité là où il est encore possible d’en obtenir, et de garanties qui puissent assurer la sécurité de nos frontières, est toute naturelle. » Les socialistes, selon leur tradition, se rallient, tristement mais énergiquement, à la politique de guerre, et le Vorwærts (8 avril)déclare qu’il ne reste plus à l’Allemagne qu’à combattre et à remporter la victoire.

Les pangermanistes ont crié trop fort et les socialistes capitulé trop tôt. Le courant de pessimisme qui s’est formé après l’arrêt de la première offensive, a grossi sourdement. Quand les opérations militaires reprennent sur la Lys, on reste insensible à la nouvelle des premiers succès ; les critiques militaires exposent, du reste, à leurs lecteurs que c’est là une simple diversion d’ordre tactique. On ne juge pas utile de déchaîner l’enthousiasme jusqu’à la prise du Kemmel, mais, ce jour-là, grand tapage dans les journaux : les réserves de Foch sont détruites, les armées sont sur les routes de Dunkerque et de