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immédiate. De jeunes ouvriers de Magdebourg se » livrent à une ardente propagande pacifiste.

Durant ces mois de novembre et de décembre 1917, l’Allemagne est tout à son espoir. Des déboires et des revers qui peut-être, en d’autres temps, l’eussent un instant troublée, la laissent maintenant impassible. Elle écoute à peine les explications que les bureaux de presse croient devoir lui fournir sur ces événements désagréables ou alarmants. Les commentateurs du reste ne se mettent pas en frais d’ingéniosité. L’inefficacité de la guerre sous-marine ? Un simple retard. L’arrêt des opérations en Italie ? une « halte. » La victoire des Anglais devant Cambrai ? un « incident » dont le souvenir sera, d’ailleurs, bientôt effacé par la contre-attaque allemande. L’avance anglaise en Palestine et la prise de Jérusalem ? une démonstration politique sans aucune importance militaire. Quant aux affaires de France, elles peuvent démentir chaque jour les prévisions de la veille sans troubler l’optimisme officiel, sans lasser la crédulité publique. On a répété aux Allemands, et ils l’ont cru, que la France a pu montrer une « vitalité surprenante. » (Depuis Verdun cette « vitalité surprenante » est un des thèmes de la presse), mais qu’elle est maintenant épuisée, affamée, que le scandale des affaires de trahison dissimule mal une lassitude infinie ; qu’on peut bien supprimer les apôtres de la paix (« Où est le directeur du Bonnet Rouge ? L’infortuné a subi le même sort que Jaurès. Il est mort pour la paix ! » — Tag rouge, 4 septembre 1917), mais que le désir de la paix n’en est pas moins dans tous les cœurs : le « poincarisme, » c’est-à-dire l’idée de la revanche, est à jamais condamné. L’arrivée de M. Barthou aux Affaires étrangères justifie assez mal ces pronostics ; mais, quelques jours plus tard, le cabinet Painlevé est renversé, et les journaux allemands enseignent à leurs lecteurs que ce ministère est tombé parce qu’il était trop belliqueux. La formation du cabinet Clemenceau et ses premiers succès devant le Parlement auraient ouvert les yeux d’un public moins crédule, mais les journaux affirment que c’est « la dernière victoire » de l’esprit de guerre, le prélude de la capitulation finale. Malgré tout, les poursuites intentées contre M. Caillaux déconcertent un instant l’opinion. Quand les Allemands rêvaient de la réconciliation des peuples sous l’hégémonie allemande, ils assignaient toujours à ce personnage un rôle considérable dans