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la justice s’organisait. Admirable trait que, suivant les Français à travers les pays où ils ont paru, je relevais avec joie ; ce qui, partout et dans tous les siècles, a caractérisé la domination française, c’est l’établissement de la justice. Dès prairial, deux députés rhénans avaient supplié les Consuls d’« ordonner la nouvelle organisation judiciaire. » File sortait, fortifiée, des réformes de l’an IX avec ses tribunaux et ses cours que, chez nous, cent quinze ans de révolutions ont épargnées. Et ces tribunaux et cours allaient être appelés à dire le Droit et ce Droit, il recevait dans le nouveau Code, déjà aux trois quarts bâti, une de ses formes les plus belles. Ce Code Napoléon, il allait rester, je le dirai, l’un des bienfaits les plus appréciés, et lorsque le Rhin sera derechef arraché de nos mains, la seule survivance réelle du régime français dans cette Rhénanie tombée aux mains des Prussiens.

Réunis en 1801, les Rhénans, dès 1802, jouissaient, — dans le sens littéral du mot, — des bienfaits dont plus même que certains Français plus anciens ils appréciaient la grandeur. Est-il étonnant que, dès 1802, ils aient acclamé le Consulat à vie, en 1804, l’Empire par des majorités qui, de 1802 à 1804, se trouvent si grossies que, à cette dernière date, elles atteignent quasi à l’unanimité ?

L’homme parut lui-même sur les bords du Rhin, très peu après qu’il eut reçu ce suprême témoignage de la reconnaissance des peuples. Arrivant de Boulogne le 2 septembre 1804, il parut à Aix-la-Chapelle : il alla droit au tombeau de Charlemagne ; dépouillé de ses ornements, nous savons dans quel dessein, par un empereur saxon, le corps du grand empereur était tombé en poussière ; mais son esprit revivait en celui qui venait saluer le sarcophage ; l’homme qui, après avoir battu les Allemands, passait la revue du Rhin récupéré, avait, plus qu’un Othon III de Saxe certes, le droit de venir à ce pèlerinage. Au palais impérial au-dessus duquel jadis l’aigle d’or étendait ses ailes, face à la Germanie, le nouvel empereur des Français reçut Cobenzl lui apportant, de la part du César de Vienne, presque déchu, la reconnaissance de son nouveau titre. Mais, comme il y avait chez lui un mélange sans pareil de vastes pensées et de sens pratique, il passa du tombeau de Charlemagne et du palais où sa gloire éclatait, aux fabriques qu’il entendait voir atteindre une prospérité nouvelle. Après avoir visité les