Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/512

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il était assez étrange que, les Rhénans lui tendant les bras, le gouvernement de la République semblât encore hésiter. Un Alsacien, Rudler, fut envoyé comme commissaire général avec la seule mission d’établir sur la rive gauche du Rhin « une organisation nouvelle. « Il organisa en effet quatre grands départements, Roer au Nord, avec Cologne comme chef-lieu, Mont-Tonnerre au Sud, avec Mayence comme chef-lieu, et, entre les deux, les départements de Rhin-et-Moselle (Coblence) et de la Sarre (Trêves). Abolissant les droits seigneuriaux, il libérait la propriété, publiait les lois françaises, fondait l’état civil, établissait le jury, créait les tribunaux à l’instar de la France, brisait les corporations, introduisait le système décimal, — tout cela un peu trop vite pour que, recevant ces « bienfaits » en grêle, les Rhénans n’en restassent point quelque peu abasourdis. Et puis, les douanes portées au Rhin, une gêne en résultait, car il fallait des années pour qu’avec la France s’établit le courant commercial, — et l’inconvénient était à peine compensé par la restauration des routes. Enfin la question religieuse était pierre d’achoppement : la lutte contre le catholicisme avait, en France, repris de l’acuité ; en abolissant en principe les ordres religieux, en interdisant les manifestations du culte, Rudler rebutait certaines bonnes volontés.

Les partisans de l’Autriche en profitaient ; la rupture survenue après l’échec des négociations de Rastadt, ils faisaient redouter aux Rhénans un retour offensif des Puissances allemandes. Et tant que la réunion ne serait pas formellement décrétée, tout semblait instable. Partout un référendum s’organisait dont j’ai déjà cité certaines manifestations pour qu’on en finît avec cette instabilité. Il était nettement favorable[1]. Sauf quelques communes dont le vote négatif semble prouver la sincérité de ce référendum, le pays s’exprima nettement pour la réunion à la terre « des aïeux gaulois et francs. » Et cependant on attendait. On attendait là comme ailleurs l’homme au geste décisif, l’organisateur doublé du pacificateur. L’homme allait venir.

Les Rhénans ne s’y trompèrent point. Dès le lendemain du 18 Brumaire, l’administration de la Sarre exprimait sa joie :

  1. Cf. dans la brochure de M. Esperandieu (le Rhin français. Paris 1915) les adresses de toutes les communes du département du Mont-Tonnerre, toutes bien caractéristiques.