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dans des sentiments de violente colère, et la contre-révolution se fit si brutale et par ailleurs si maladroite que, compliquée par les excès de la soldatesque impériale, elle suffit à nous ramener ceux que, dans les premiers mois de 1793, l’attitude de certains jacobins avaient indisposés. Quand, après Fleurus (25 juin 1794), les Français reparurent, ce fut grande liesse. Dès septembre, Aix-la-Chapelle était reprise, puis Cologne, Bonn, Coblence, Trêves. A la tête de l’armée du Rhin, Hoche s’avançait dans le Palatinat et enlevait Neustadt, Frankenthal et Spire. Mayence seule, pourvue d’une forte garnison, résistait, mais du Comité de Salut public, Carnot écrivait aux représentants à l’armée du Rhin : « Il ne sera pas dit que vous souffriez que les ennemis conservent un pied sur notre territoire, car nous regardons comme tel maintenant tout ce qui est en deçà du Rhin. »

En attendant que Mayence capitulât, on établissait à Aix-la-Chapelle, puis à Creuznach une administration centrale composée de Rhénans ; il en résultait, chez les habitants, une grosse satisfaction qu’augmentait l’attitude exemplairement modérée de l’armée en dépit de ses besoins extrêmes. Et tandis que le Rhénan s’attachait ainsi au régime, déjà l’un des anciens maîtres germains du Rhin, le roi de Prusse, sans nous céder encore ce qu’il possédait sur la rive gauche, consentait, tout au moins, par l’article 5 du traité de Bâle (5 avril 1794), à l’occupation par la France de ses anciennes principautés.

Chose curieuse : c’est à ce moment même qu’à Paris une campagne assez vive était menée contre la réunion. Mais le Comité de l’an II n’admettait point de tels reculs : « Les frontières de la République doivent être portées au Rhin, avait-il déclaré. Ce fleuve, l’ancienne limite des Gaules, peut seul garantir la paix entre la France et l’Allemagne. » L’énergique Merlin de Douai évoquait un autre argument, — l’un des plus saisissants, qui sous ses deux aspects est resté le plus actuel. « Il importe à la République de former un arrondissement tel que le Nord et le Midi puissent se balancer… Moins Paris sera voisin du théâtre de la guerre, moins les Puissances étrangères seront tentées de nous faire la guerre parce qu’elles n’auront pas l’espérance de pénétrer jusqu’à cette ville centrale et d’y venir attaquer le gouvernement. »

En dépit de ces arguments, la Convention, le 1er octobre