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accouplés, puisque c’est associer Marius et les Teutons, César et Arioviste, Auguste et Hermann, Charlemagne et Witikind. Dès le commencement du Xe siècle, la confusion est si bien établie que, la race de Charles s’éteignant en Allemagne, une dynastie de rois germains se fonde, — des Saxons, — qui aussitôt revendique avec le titre impérial les terres de Lotharingie.

Ces Saxons installés sur le trône impérial s’efforcent de germaniser la rive gauche : c’est alors qu’Othon Ier retourne face à la Francie l’aigle d’or d’Aix-la-Chapelle, — geste symbolique et qui fait époque.

En fait, ce qui semblait assurer aux empereurs saxons la suzeraineté, — sinon la possession réelle qui jamais ne fut effective, — de la Lotharingie, c’est qu’en cette fin du Xe siècle, la race de Charlemagne, éteinte en Allemagne, s’éteignait encore en France. Un Hugues Capet, que de grands services, — particulièrement l’échec à l’Allemand devant les murs de Paris, — ont acheminé au trône, n’a pas plus de droits personnels assurément qu’un Othon de Saxe à l’héritage de Charles. Alors Othon III, — tout pareil au classique voleur, — s’écrie : « Cet héritage n’étant à personne, il est à moi, » fait ouvrir le tombeau du grand Empereur, le dépouille des attributs impériaux, s’en pare impudemment et parce que l’arrière-neveu de Witikind apparaît couronné du diadème de son vainqueur, transmis après lui de famille allemande en famille allemande jusqu’aux Habsbourg, il semble que la majesté impériale ait passé, avec tous ses droits, à ces Barbares d’outre-Rhin, — et, avec elle la Rhénanie, dérobée à la race des Francs.

Le prodigieux tour de passe-passe qui a eu comme point de départ le traité de Verdun est maintenant accompli, — fruit de la faiblesse des Carolingiens de France, du malentendu créé par la confusion entre Saint-Empire romain et royaume de Germanie et de la fourberie audacieuse des princes saxons qui, après s’être emparés de la demeure de Charlemagne, ont chaussé ses bottes et coiffé la couronne arrachée au tombeau.


IV. — LA REPRISE DES MARCHES DE L’EST

A Paris, cependant, grandissait une famille de rois peu disposée à laisser se créer la prescription en ce procès si frauduleusement engagé.