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Parfois un César plus énergique paraissait sur les bords du Rhin et donnait, pour un quart de siècle, une rude leçon à l’envahisseur : Maximilien Hercule, faisant de Trêves sa capitale provisoire, parlait de là, en 287, pour écraser le Germain ; Constantin, établi à son tour dans « la Rome du Nord » qu’il peuplait d’admirables monuments, était autorisé à orner la Porta Nigra de bas-reliefs où s’humiliaient des Germains enchaînés ; Julien, son neveu, César des Gaules avant d’être empereur de Rome, écrasait, en 357, les Alamans à Argentoratum et, ayant reçu leur soumission, leur imposait comme sanction à leurs ravages, — précédent intéressant, — le ravage de leur propre pays de la rive droite. Mais toujours on voyait dès que faiblissait la défense, l’éternel Barbare reparaître, — terreur des populations celto-latines de la rive gauche.

En fait, dès les premières années du Ve siècle, la barrière était rompue. Le flot la submergeait. Celui des Huns passa, achevant la ruine de ces admirables provinces romaines de la Rhénanie, semant l’incendie, le déshonneur et la mort, — de telle façon que seule l’invasion allemande de 1914-1918 devait faire revivre à un monde civilisé ces jours d’horreur.


II. — LE RHIN BLANC

Cependant, parmi les tribus qui, dès le IVe siècle avaient franchi le Rhin et la Meuse, une semblait spécialement appelée à une grande destinée. Les Francs, venus de Batavie, d’origine probablement Scandinave, avaient fait leur apparition vers les débuts de ce siècle. Plus souples peut-être que Goths et Vandales, ils s’étaient présentés dès l’abord comme des auxiliaires plus que comme des ennemis et s’étaient en quelque sorte glissés dans l’Empire à ce point que, certains, devenus soldats éminents, étaient parvenus jusqu’au trône des Césars. Établies par Rome comme avant-postes en face de la Germanie menaçante, les tribus franques avaient fini par se constituer au Ve siècle des principautés dans la région meusienne et rhénane : les Francs Ripuaires se groupaient autour de Cologne et s’étendaient jusqu’à Coblence, tandis que les Francs Saliens occupaient Tournai, Cambrai et Thérouanne. N’écrivant point le Discours sur l’histoire universelle, je n’ai pas à rappeler ici en quelles circonstances cette dernière tribu, marquée du