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qui n’alla pas sans me mortifier un peu, — il me dit (avec quelque timidité, je le reconnais) : « Où tout cela est-il raconté ? »

Je fus fort embarrassé ; car, au vrai, il y avait alors fort peu de livres écrits sur le Rhin français, — et pas plus sur « le Rhin gaulois, latin et franc. Pour cent volumes publiés sur« le Rhin allemand » par les « savants » de la Germanie, — prodigieux chimistes, comme on sait, qui eussent perverti ce jeune esprit, — je n’avais, sur la question, pas un livre français à lui citer. Je le renvoyai à « Lavisse et Rambaud, » qui du moins lui prouvèrent que « ça se savait. »

Aujourd’hui je serais moins embarrassé. Cette profonde ignorance de notre histoire nationale que l’étonnement de mon jeune homme ne faisait que me confirmer, nous était, hélas ! connue ; elle était le résultat d’une entreprise d’abord sournoise et ensuite ouverte de l’obscurantisme pacifiste. Lorsque la formidable crise de 1914 est venue soudain reposer tous les vieux problèmes, nous nous sommes plus particulièrement aperçus que, des plus haut placés aux plus modestes citoyens, le Français tenu si généralement pour un médiocre géographe, n’était pas plus fort en histoire qu’en géographie. Les questions même, qui intéressent le passé de notre nation, — et, parlant, son avenir, — étaient, en 1914, nul ne me démentira, inconnues aux générations nouvelles, — voire aux anciennes.

Des historiens, justement émus de cette carence, se sont mis à l’œuvre et entre une dizaine de volumes, d’inégale valeur, je pourrais aujourd’hui renvoyer mon interlocuteur de 1913 à trois ouvrages de style et de caractère fort différents, mais tous trois fortement documentés : le Rhin à travers l’Histoire de M. Ernest Babelon, le Rhin français de M. Philippe Sagnac, les Survivances françaises de M. Julien Rovère. Ces études en main, voici qu’apparaît sous ses aspects divers ce que M. Babelon n’hésite pas à appeler la Question d’Occident.


Le 23 mai 1542, le roi Henri II réunissait un grand conseil où la « question, » déjà vieille de six cents ans, devait être posée. Metz, Toul et Verdun s’offraient au roi de France, entendant sortir de la mouvance du Saint-Empire. Or, pour tous, Metz, Toul et Verdun, — encore que villes des pays meusiens et mosellans, — posaient la question du Rhin, telle que,