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On ne faisait d’ailleurs qu’étendre, en quelque sorte, la zone d’application du régime que les Alliés de la première heure avaient, dès la fin de 1916, résolu d’instaurer pour l’achat en commun des céréales, puis, un peu plus tard, pour l’affrètement des navires neutres.

Ces diverses mesures conduisirent tout naturellement les Alliés à dresser l’inventaire, et à prendre une conscience plus nette qu’ils ne l’avaient eue jusque-là, des forces vraiment décisives qu’ils avaient sous la main. Nous ne donnerons pas les chiffres révélés par cette enquête, pour ne pas allonger inutilement ces pages et répéter ce que M. de Launay a si clairement exposé dans la Revue du 1er août. Il suffira de rappeler que les Alliés sont les maîtres incontestables du marché mondial pour la plupart des matières essentielles : laine, coton, soie, chanvre, jute, graines oléagineuses et olives ; caoutchouc et pétrole ; riz, café, thé et cacao ; qu’ils disposent aussi de la plus grosse partie de la production universelle en minerai de fer, plomb, zinc, nickel, aluminium et manganèse ; et qu’enfin, pour le charbon seul, l’Allemagne est en état de lutter dans des conditions de parité suffisantes.

Ce n’est pas tout. Parmi les rares industries anglaises qui ne réclament pas, ou pas encore, de protection légale, figurent celles de la construction navale et de l’armement commercial. Mais, au sein des syndicats de matelots britanniques, sous l’énergique impulsion de leur président M. Havelock Wilson, : s’est développée une de ces résolutions froidement méditées dont le caractère anglo-saxon est parfaitement capable d’assurer la réalisation implacable : celle de venger les quinze mille marins du commerce, victimes des attentats des sous-marins allemands, par un nombre proportionnel de mois, — qui approchent aujourd’hui de sept années, — de boycottage intégral des marins et marchandises allemandes sur les navires battant pavillon anglais. C’est quelque chose que cela, voire quelque chose de particulièrement sensible pour l’Allemagne : on ignore assez généralement, en effet, qu’avant la guerre, sur 36 millions de tonnes qu’il importait par voie de mer, l’Empire n’en recevait que 15 millions par ses propres navires, le reste lui étant amené par pavillons étrangers. Or, après la diminution de sa flotte marchande par les faits de guerre, l’Allemagne sera plus encore qu’auparavant dépendante des tiers. Et si l’on veut