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français de guerre, et ils s’apercevaient avec stupeur que des ministères réussissaient à vivre en se passant de leur concours. Nos meneurs, perdant donc, pied sur tous les terrains à la fois, voyaient leurs émules d’Angleterre et surtout des États-Unis infiniment moins accessibles aux grands mots, beaucoup plus réalistes et partant belliqueux qu’ils ne le sont eux-mêmes.

Ainsi qu’il advient toujours en pareil cas, une scission se produisit parmi eux. Nombre d’entre eux s’empressaient, dès le 20 avril 1918, de faire cause commune avec le socialiste suédois Branting pour proclamer que « le vieux parti sozialdemokrate (sic) allemand a fini par étaler publiquement son impérialisme latent… contenu dans la politique du 4 août 1914 ; » que « s’il prétendait se rallier à quelque formule de paix plus ou moins démocratique, nous n’aurons plus qu’à nous rappeler le passé pour juger de sa sincérité ; à ils avaient même conclu : « Nous ne pourrons plus nous rencontrer avec lui que pour le voir condamner et exclure par l’Internationale. »

D’autres, hélas ! et les plus agissants parmi les socialistes français, se refusaient à aller aussi loin : l’on vit avec tristesse le Congrès des métaux, qui est aux mains des minoritaires de la Confédération générale du travail, réclamer, le 12 juillet, la réunion rapide de l’Internationale tout entière, s’approprier la formule banqueroutière de paix « sans annexions ni indemnités, avec droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, » et envoyer « son salut et ses encouragements » à la révolution russe qui, presque au même instant, accusait l’impérialisme franco-anglais » d’avoir causé les maux de l’univers, et inspiré le récent assassinat du comte Mirbach, ambassadeur de l’empereur allemand auprès des bolcheviks. Il y eut pis encore : au moment précis où les socialistes majoritaires allemands déclarèrent ne vouloir assister à une conférence internationale que s’ils étaient certains de n’être pas brimés par leurs frères ennemis et où, de leur côté, les syndicalistes de même race se proclamaient hostiles à toute révolution qui compromettrait la prospérité germanique, le déplacement d’un petit nombre de voix constitua au sein du Conseil national du socialisme unifié une majorité de minoritaires ; celle-ci s’empressa aussitôt de décider le 26 juillet qu’il fallait une réunion de l’Internationale sans conditions quelconques, que les alliés devaient refuser tout concours aux adversaires russes des bolcheviks, et que le