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l’impulsion imprimée dans les premiers mois de 1914 aux fabrications de la maison Krupp ; puis enfin la publicité donnée aux ouvertures tortueuses faites par l’Autriche, au printemps de 1917, avec ou sans l’aveu de la cour de Berlin, pour encourager le mouvement pacifiste français, en laissant croire que l’empereur Charles s’entremettrait volontiers pour un règlement amiable de la question d’Alsace-Lorraine.

Ces événements, si probants fussent-ils, ne jetèrent pas le moindre trouble dans la conscience germanique. Ce fut, au contraire, le moment choisi par le Vorwærts pour expliquer, avec une magnifique désinvolture, comment l’extrême-gauche allait renier ses prétendues doctrines sur le droit des peuples : « Il n’est pas encore tout à fait certain que les modifications à l’Est tendent à des annexions. Mais, pour la Russie, cela ne fait rien. Si l’Allemagne avait été battue et contrainte d’abandonner l’Alsace-Lorraine et les provinces du Rhin, il lui aurait été assez indifférent de savoir si ces régions devaient devenir françaises ou autonomes. Nous ne devons pas oublier que les prolétaires allemands en guerre n’avaient pas à empêcher des annexions qui peuvent être faites par l’Allemagne, mais devaient et doivent empêcher des annexions aux dépens de l’Allemagne. »

Au vrai, pour ces esprits si notoirement scrupuleux, l’affaire russe était déjà terminée et classée, pour autant du moins qu’elle ne viendrait pas à ressusciter du fait des insurrections des paysans ukrainiens, de l’assassinat du comte Mirbach à Moscou, de celui du maréchal von Eichhorn à Kiew, de la lutte menée contre les bolcheviks par les Tchéco-Slovaques et de l’intervention possible des Alliés, soit en Mourmanie, soit en Sibérie. Ce dont on se préoccupait désormais par-dessus tout, c’était des prochaines offensives du front occidental : celle qui allait se déclencher le 21 mars contre les Anglais, celles du 27 mai et du 15 juillet contre les Français. Entre les deux, dans les premiers jours d’avril, le Vorwaerts marquait la position de la Socialdemokratie en termes que n’eût pas répudiés le plus fougueux pangermaniste : « La situation… est la conséquence d’une politique qui ne fut pas la nôtre, disait-il. Mais puisque les choses en sont là, il n’y a pas d’autre moyen de les faire tourner au bien de l’Allemagne que de remporter une victoire complète dans l’Ouest. Le peuple allemand a mis toutes