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que d’abord ne parvint pas à dissiper la visite que lui fit l’ambassadeur en rentrant à Saint-Pétersbourg, le 7 décembre.

« Ma démission n’a aucune signification au point de vue de la politique extérieure de la France, déclara Chanzy. Le nouveau gouvernement comme l’ancien veut conserver et consolider les bonnes relations avec la Russie. Je suis chargé d’en donner l’assurance à l’Empereur. »

Ce n’était pas assez pour calmer l’appréhension de de Giers :

« Nous n’en sommes pas moins devant l’inconnu, » dit-il.

Mais quand il sut que, pour succéder à Chanzy, Gambetta avait fait choix du comte de Chaudordy, il se rassura. Le 23 décembre, l’ambassadeur démissionnaire fut reçu à Gatchina et prit congé de l’Empereur, à qui il renouvela les assurances qu’il avait données à de Giers. Alexandre III en parut satisfait. Après avoir exprimé à son interlocuteur le regret que lui causait son départ, il reprit :

« J’espère que votre gouvernement saura résister aux idées avancées qui, sous prétexte de réaliser des progrès que chacun comprend et désire, dépassent le but et ne peuvent aboutir qu’à la perturbation. »

C’était un avertissement dont quelques jours plus tard il dut comprendre l’inutilité en apprenant quels avaient été les premiers actes du nouveau ministère. Le comte de Chaudordy nommé ambassadeur à Saint-Pétersbourg, le baron de Courcel à Berlin en remplacement du comte de Saint-Vallier démissionnaire pour les mêmes raisons que Chanzy, celui-ci appelé au commandement du corps d’armée de l’Est, le général de Miribel à l’État-major de la Guerre, d’autres choix analogues ne laissaient aucune place à la crainte de voir Gambetta favoriser les entreprises de la révolution.

Les dernières paroles de l’Empereur, lorsque Chanzy se sépara de lui, sont encore plus caractéristiques et plus significatives.

« Je sais que chez vous on ne désire pas la guerre et j’espère que nous nous entendrons toujours pour nous en préserver. Mais on ne sait ce que l’avenir nous réserve et toute nation doit à sa sécurité d’avoir une bonne armée. »

Comment interpréter ce langage sinon comme un encouragement donné à la France de développer ses forces militaires et de se prémunir de la sorte contre les menaces de l’étranger ?