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l’effet, l’empereur Guillaume lui prodiguer les témoignages de sa confiance et de son amitié.


II

Parmi ces incidents, il faut rappeler celui qui se produisit au mois de février 1882 et dont le général Skobeleff fut le héros. Le glorieux vainqueur de la guerre turco-russe, étant venu à Paris et s’étant trouvé dans une réunion d’étudiants serbes, prononça des paroles où les journaux allemands virent une provocation. Il n’en dissimulait pas d’ailleurs le caractère. Rentré à Saint-Pétersbourg au mois de mars, il disait à M. Ternaux-Compans, chargé d’affaires de France :

« J’arrive de Paris, vous ne l’ignorez pas, mon voyage a fait assez de bruit ; j’ai vu vos soldats dans leur vie de tous les jours, c’est celle où j’aime à les observer. J’ai été frappé de leurs progrès, de leur excellente tenue ; votre armée est admirable, et vous devez comprendre pourquoi je m’en réjouis. Nous avons assez longtemps supporté les rodomontades allemandes ; il est temps qu’elles cessent. Je regrette de n’avoir pu assister à vos manœuvres, mais je voudrais qu’une mission d’officiers français vînt assister aux nôtres ; je profiterais de leur présence pour élever un monument commémoratif aux soldats de la division Friant, morts en 1812, et pour faire une manifestation française. »

A mentionner encore qu’en venant de Paris à Saint-Pétersbourg, il s’était arrêté à Varsovie et avait dit aux Polonais :

« Restez fidèles à la patrie russe ; si vous n’aviez pas une garnison russe, vous auriez une garnison allemande. »

Pour avoir tenu ces propos, il avait été, racontait-on, vivement réprimandé par l’Empereur ; mais il était maintenu dans son commandement et devait rester à Saint-Pétersbourg comme membre de la commission chargée d’organiser les services militaires et civils dans les territoires nouvellement conquis par la Russie en Asie centrale. Il est vrai qu’afin de justifier cette preuve de la faveur impériale, on prétendait qu’en le retenant dans la capitale, le Tsar s’était flatté de le garder plus étroitement sous sa surveillance. N’empêche que l’incident provoquait d’innombrables commentaires. Dans les hautes sphères de l’armée russe, le blâme était universel, et plusieurs