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L’Etat-mljor allemand se voyait obligé de multiplier les notes et les commentaires pour rassurer les Allemands consternés.

Ces attaques avaient été pour eux une terrible surprise : au moment du repli « stratégique, » n’avait-on pas promis que des « événements grandioses » seraient la suite de cette manœuvre « géniale ? » n’avait-on pas laissé entendre que les régions si soigneusement dévastées deviendraient le théâtre d’une nouvelle offensive ? Et ce sont les armées de l’Entente qui maintenant marchent à l’assaut des positions allemandes, ramassent des milliers de prisonniers et menacent les lignes nouvelles ! En vain les communiqués chantent victoire ; en vain les critiques militaires affirment que, grâce à un « repli élastique, » le Haut Commandement a épargné le sang des soldats, que la tentative de percée a échoué, que les communiqués de l’Entente sont un tissu de mensonges, que Hindenburg et Ludendorff ont su ménager leurs réserves stratégiques et conserver l’initiative des opérations. L’opinion, préoccupée des grèves, reste insensible à ces consolations : elle n’est frappée que de l’énormité des pertes.

A partir du 1er mai, quand la menace de l’émeute est définitivement écartée, on se met à lire avec plus d’attention les nouvelles venues de France, les extraits des journaux parisiens télégraphiés par les agences, le compte rendu de certains débats du Parlement français : l’ennemi lui-même proclame son échec. Les bureaux de presse se hâtent d’exploiter les innombrables témoignages que l’adversaire donne de son découragement. Ils finissent par convaincre l’Allemagne qu’elle vient de remporter « une grande victoire défensive. » Ils arrivent ainsi à effacer la première et désastreuse impression causée par les combats de l’Aisne et de la Champagne, mais une « victoire défensive » n’est pas ce que le peuple attend : des succès de ce genre ne rapprochent pas la date de la paix.

Les désillusions succèdent aux désillusions.

Le roi Constantin est forcé d’abdiquer. On se donne beaucoup de mal pour démontrer que les pratiques de l’Entente justifient la violation de la neutralité belge : mais le public constate simplement que le beau-frère de l’Empereur a été détrôné sans que l’Allemagne ait rien fait pour le secourir. Cette preuve de faiblesse l’humilie et l’inquiète.

La guerre sous-marine est loin de donner les résultats escomptés. On se rappelle que des personnages officiels ont fixé