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Si cette déclaration grosse de conséquences n’allume pas encore les flammes ardentes de l’enthousiasme, elle est, ce qui est encore plus important, le marteau qui martèle les volontés sur l’enclume de la nécessité et fabrique l’airain des vertus héroïques… Aujourd’hui, il est à craindre qu’à la ferveur sacrée se mêle la cendre du pessimisme et du découragement. On pourrait par exemple entendre des plaintes et des reproches comme ceux-ci : « Pourquoi avoir tant tardé et avoir attendu que nos ennemis, et en particulier l’Angleterre, aient développé leur puissance et poussé si loin le perfectionnement de leurs moyens de défense ? pourquoi a-t-on accusé « d’annexionnisme » et de « frénésie guerrière » ceux qui, dévoués à la patrie et à la monarchie, réclamaient des procédés plus violents ? » Nous nous refusons à des discussions de cette sorte. En ces temps critiques, nous ne voulons pas regarder en arrière : c’est dangereux, l’exemple de la femme de Loth le prouve d’une façon péremptoire… Nous ne pouvons retourner sur nos pas. Même si apparaissait le fantôme de la guerre américaine, il n’y aurait pas lieu de perdre courage… Il y a aussi un certain groupe d’hommes et de femmes qui expriment leurs hésitations éthiques et religieuses touchant cette décision


Avec ces hommes et ces femmes, le pasteur Werner juge que la formule du gouvernement : « Pas de sentimentalité » est une réponse insuffisante ; il faut invoquer les « principes essentiels du christianisme, » et il les invoque.


Le christianisme biblique est tout le contraire d’une dévotion de salon conventionnelle et décorative… L’Ancien et le Nouveau Testament sont pleins de condamnations impitoyables contre les faux neutres et les poltrons qui abandonnent une décision prise… Luther flagelle les faux prophètes qui, désireux de se rendre sympathiques, répètent : « La paix ! la paix ! » là où, en honneur et conscience, il ne peut y avoir de véritable paix… Une guerre à outrance sera celle qui rendra la décision la plus prompte et les souffrances les plus brèves, elle sera aussi finalement la plus humaine. » (Deutsche Tageszeitung, 8 février.)


L’appel du président Wilson aux neutres éveille de vives appréhensions. Aussi est-ce avec un grand soulagement que sont accueillies les notes plus ou moins dilatoires des gouvernements neutres. Le bruit se répand que l’Autriche, peut-être même la Suisse, Vont offrir leur médiation, que les États-Unis seraient disposés, à abandonner leur attitude intransigeante… Cette lueur d’espoir s’éteint bientôt. Wilson demande au