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les journaux racontent les merveilleux exploits des sous-marins ; ils expliquent que le renforcement de la guerre sous-marine s’impose logiquement après le rejet des offres de paix ; tous, les socialistes compris, affirment qu’il n’est aucun autre moyen d’abattre l’Angleterre, mais que celui-là sera prompt et infaillible ; si l’Amérique s’en offusque, l’Allemagne est assez forte pour braver ses menaces. Enfin, comme ces raisonnements paraissent ne pas venir à bout des appréhensions du peuple, on met en avant l’argument suprême : la parole de Hindenburg. Le maréchal a dit : « Notre front est solide sur tous les points, nous avons partout les réserves nécessaires, l’esprit des troupes est bon et confiant ; la situation militaire générale permet que l’Allemagne assume les conséquences de la guerre sous-marine renforcée. »

Ces conséquences ne tardent pas à se produire : les États-Unis rompent leurs relations diplomatiques avec l’Allemagne… L’événement était prévu, il n’en cause pas moins un véritable effarement. De nouveau, tout doit être mis en œuvre pour rassurer le public : on lui rappelle les déclarations de Hindenburg, on l’exhorte à se fier à ses chefs qui ont tout pesé, tout envisagé ; au demeurant, il n’est pas certain que la menace du président Wilson soit suivie d’effet : la rupture des relations diplomatiques n’est pas forcément la guerre. Les pangermanistes recourent à la rhétorique des grands jours : « L’Allemagne combat pour l’humanité contre la moitié de l’humanité. Ce n’est pas sa faute si le droit du plus fort continue à régner sur la terre… En ce combat titanique deux conceptions du monde sont aux prises… Là où nous sentons régner au-dessus de nous l’Impératif catégorique, l’Anglais n’obéit qu’à des conventions sociales. Notre Kant est dressé contre leur cant… Nos ennemis frémiront un jour quand ils verront le paisible Michel allemand transformé par leurs crimes en Archange Michel à la flamboyante épée. La bataille que nous livrons, ressemble à celle de Constantin. Tous les bons génies de l’humanité et de l’Allemagne volent autour de nos drapeaux, et au-dessus d’eux resplendit en lettres de lumière : In hoc signo vinces… » (Saarbrücher Zeitung, 6 février 1917.)

Un sermon prononcé parle pasteur Julius Werner de l’église Saint-Paul, à Francfort-sur-le-Mein, montre de quelles inquiétudes est alors tourmenté le « paisible Michel Allemand : »