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maison de Brandebourg ait eues autrefois… » Autrefois, oui ! Mais, depuis lors, il y a « des traités solennels, que la maison d’Autriche réclamera. » Ces traités solennels portent que la maison de Brandebourg. — et peut-être l’a-t-on roulée, c’est possible, — renonce aux prétentions d’autrefois. Donc, les droits de la maison de Brandebourg sur la Silésie, n’en parlons pas. Mais, si l’on nous en parle ? Bon serviteur de son maître, Podewils est un homme de ressources : « On trouvera toujours moyen de faire revivre les anciens droits et de se récrier… » Voilà précisément la manière allemande, telle qu’elle a duré, dure encore, et telle que la définissait Fustel de Coulanges, ici même, dans un admirable article du 1er septembre 1872 : « Si le peuple allemand convoite l’Alsace et la Lorraine, il faut que la science allemande, vingt ans d’avance, mette la main sur ces deux provinces. Avant qu’on ne s’empare de la Hollande, l’histoire démontre déjà que les Hollandais sont des Allemands. Elle prouvera aussi bien que la Lombardie, comme son nom l’indique, est une terre allemande et que Rome est la capitale naturelle de l’Empire germanique. » Depuis le temps de Frédéric II, les affaires s’étant agrandies, il a fallu mettre beaucoup plus de monde à la besogne : et ce sont désormais les historiens et les érudits, les gros personnages de la science allemande, si révérée, qui travaillent à l’imposture. Frédéric II n’a point encore ces auxiliaires et complices de sa manigance ; il compte sur Podewils : « L’article de droit est l’affaire des ministres ; c’est la vôtre. Il est temps d’y travailler en secret, car les ordres aux troupes sont donnés. »

Podewils, pour le mensonge déluré, vaut un érudit de la nouvelle école allemande. Aussi Frédéric II l’aime-t-il entre tous les faussaires de sa chancellerie. De Rheinsberg, le 8 novembre 1740, il lui écrit : « Mon cher Podewils, faites bien mon charlatan et prenez du meilleur orviétan et du bon or pour dorer vos pilules. » Le 10 novembre : « La France ne se doute encore de rien… Le plus sur sera de faire le coup à l’improviste et que je commence le branle au commencement du mois de décembre. En attendant, vous tâcherez d’amuser les ministres étrangers à Berlin et de leur donner le change… » Le 11 novembre : « Il faut faire la patte de velours avec ces bougres… » Le 16 décembre ; il s’agit du Français, que Podewils étourdit de flagorneries : « Parfait ! Cajolez-le le mieux possible. Faites-lui espérer que je chercherai toujours à lier mes intérêts avec ceux de la France et d’agir de concert avec cette Cour. » Podewils a bien travaillé. Pour sa récompense, il reçoit de son auguste souverain ce