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L’or n’a pas cessé d’être le fondement du système monétaire de toutes les nations civilisées et, par conséquent, l’instrument universel d’acquisition de toutes les autres marchandises et de la satisfaction de tous les besoins. Mais, en ce qui le concerne, la question se complique par l’intervention des gouvernements qui, dès que la guerre eut été déclarée, mirent l’embargo sur le métal jaune, défendirent aux banques d’émission de disposer de leurs réserves de numéraire, interdirent le commerce de l’or, cherchèrent en un mot, par tous les moyens, à augmenter leurs réserves directes ou indirectes de ce métal. D’autre part, l’or étant l’élément constitutif de l’unité monétaire, le pivot sur lequel tournent tous les changes, la valeur fixe en fonction de laquelle les autres varient, il en résulte que la quantité d’autres monnaies, notamment de billets qui se donnent en paiement d’un poids détermine d’or, reste invariable. Le mineur qui le produit continue à recevoir le même prix qu’auparavant ; en France, par exemple, 3 444 francs par kilogramme de fin. Mais le prix de revient de ce kilogramme a subi la loi commune de l’époque où nous vivons : il s’est élevé dans une proportion souvent considérable ; il peut arriver à dépasser le prix de vente de 3 444 francs. On voit à quelle situation est acculé le producteur, placé en face du dilemme suivant : ou bien travailler à perte, ou bien fermer sa mine. Laissons de côté la question de l’intérêt particulier de l’industriel ; on peut dire qu’en exploitant un gisement il a couru les risques de tout entrepreneur. Mais voyons les inconvénients qui peuvent en découler au point de vue de l’intérêt public.

Les États ont besoin plus que jamais d’élargir la base de l’énorme circulation de papier qui s’est développée au cours de la guerre et qui atteint en ce moment à quelque chose comme 140 milliards de francs, au lieu de 30 en 1914. Les réserves d’or chez les banques d’émission et dans les caves des Trésors publics ont donc une importance extrême. La position des Alliés est excellente, puisque la majeure partie de l’or produit dans le monde est récolté sur le territoire des États-Unis et des colonies anglaises. L’Amérique du Nord a fourni en 1917 un cinquième, le Canada, l’Australie, l’Inde et l’Afrique du Sud, presque les deux tiers de l’extraction mondiale. Le Transvaal, la Rhodesia et l’Afrique Occidentale, c’est-à-dire les possessions anglaises du continent noir, envoyaient à Londres, à elles seules, plus