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même période, celle de l’or avait plus que quadruplé, passant de 160 000 à 703 000 kilogrammes. Presque partout l’étalon d’or existait ; les monnaies d’or, indépendamment du fait qu’elles ont force libératoire, étaient préférées par le public, parce qu’à poids égal elles représentaient une valeur bien supérieure à celle des disques d’argent.

Mais la guerre a tout bouleversé : chez la plupart des belligérants, le cours forcé existe en droit ou en fait ; l’or est retenu dans les caves des banques d’émission, dont les billets ont été multipliés ; le libre trafic de l’or a été suspendu, l’exportation en a été interdite. Les espèces d’argent et de billon sont restées les seules monnaies métalliques en circulation. Le public s’est jeté sur elles, moins pour les employer comme instruments de paiement que pour les mettre de côté. Cette thésaurisation ne porte pas seulement sur les monnaies qui ont conservé pleine force libératoire, comme les écus de cinq francs dans l’Union latine, le dollar d’argent aux États-Unis, la piastre indochinoise dans notre empire d’Extrême-Orient, la roupie aux Indes, le peso au Mexique, mais sur les monnaies divisionnaires avec lesquelles, d’après la loi, le débiteur ne peut se libérer que jusqu’à concurrence d’un faible montant. Les pièces de deux francs, d’un franc, de cinquante centimes disparaissent de notre circulation aussi vite qu’elles y sont versées. Et cependant notre gouvernement en frappe sans relâche des quantités importantes. Mais c’est un véritable tonneau des Danaïdes dans lequel elles s’engouffrent. La hausse récente du métal n’a fait qu’accélérer ce mouvement chez nous et à l’étranger.

Lorsque l’orientation du monde vers l’étalon d’or s’accentua après 1870, l’un des soucis de notre gouvernement fut d’abord d’empêcher notre stock d’argent de s’accroître et ensuite de s’en défaire. L’histoire de l’Union latine, fondée pour se garer des conséquences de la hausse du métal blanc, ne fut bientôt que celle d’une série de mesures prises par les divers associés pour se défendre contre les effets de la baisse de l’argent. Ils commencèrent par interdire la libre frappe de pièces libératoires aux particuliers, puis aux États eux-mêmes ; ils limitèrent la frappe des monnaies divisionnaires et prirent des mesures pour régler, en cas de dissolution de l’Union, la reprise par chaque nation des pièces d’argent à son effigie. Les