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défaite militaire, le danger d’une révolution deviendra particulièrement menaçant.

De plus, il ne faut jamais oublier qu’en Allemagne, et surtout en Prusse, les questions confessionnelles sont toujours au premier plan des préoccupations gouvernementales et parlementaires. Or, dans une Chambre prussienne élue au suffrage universel, les partis d’extrême-gauche et d’extrême-droite se tiendraient à égalité et, dès lors, le centre catholique, disposant d’environ un quart des mandats, déplacerait à sa guise les majorités et serait le maître incontesté de la politique intérieure du royaume. Cette considération ne fut peut-être pas étrangère à l’insistance que mit M. de Hertling à procéder à une réforme, dont par ailleurs son conservatisme l’éloignait.

D’un autre côté, il est incontestable qu’une dissolution de la Chambre prussienne est malaisée, sinon impossible en temps de guerre, tous les hommes valides étant mobilisés et la Constitution interdisant aux soldats de prendre part aux opérations d’un scrutin politique.

Une fois de plus, le roi de Prusse a donc fait une promesse-dont il sait qu’elle est difficilement réalisable. Sans doute, il semble que la Chambre des seigneurs ait modifié son attitude intransigeante et qu’elle accepte en théorie le principe du suffrage universel, direct et secret. La manœuvre est connue. Les Chambres prussiennes n’ont jamais refusé d’examiner la réforme électorale, mais, par des amendements savamment dosés, elles ont réussi à traîner les débats en longueur et à dénaturer de si étrange façon les projets du gouvernement, que celui-ci finissait par renoncer (de très bon cœur, d’ailleurs) à la lutte.

M. de Hertling avait si bien compris le danger d’un bouleversement complet du droit électoral prussien que, dans son discours à la Chambre des seigneurs, il avait insinué qu’à entreprendre elle-même la réalisation de la réforme, elle pourrait en limiter les effets. Il offrait ainsi aux conservateurs un compromis avantageux, en même temps que la possibilité de faire avorter toute la réforme en y introduisant des modifications inacceptables pour les partis de gauche.

Peut-être que, sous la pression des événements, les deux Chambres prussiennes modifieront leur attitude intransigeante. Elles prendront en tout cas leur temps pour aboutir à un