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— Pourquoi n’as-tu pas la cocarde réglementaire sur ta casquette ?

Ils balbutient de vagues excuses.

— De quel régiment es-tu ? Pourquoi as-tu ôté tes pattes d’épaule ?

Nouveau bredouillement.

— C’est bien, montez tous les trois dans la voiture !

Le capitaine Somof compte ses hommes. Un ordre bref, et nous quittons le village, suivis cette fois par les regards angoissés des habitants qui ont cessé de faire semblant de travailler et n’ont plus du tout leur air insouciant de tout à l’heure.

Le soir descend sur la vaste plaine blanche. La silhouette du misérable village avec ses meules et ses cabanes accroupies dans la neige, commence à se perdre dans la brume où tout s’efface…

Quand nous rentrons au zimovnik, la nuit est entièrement tombée : on entend les loups qui rôdent autour de la ferme. Après avoir reçu le rapport de Somof, le colonel Gherchelman procède à l’interrogatoire du prisonnier qu’une escorte de trois Tchèques vient d’amener. Je demande :

— Où sont les deux autres prisonniers ?

— Il parait qu’ils ont essayé de se sauver en route…

Tremblant de peur, le Bolchevik nous fait ses offres de service contre les camarades. Le colonel le remet aux Tchèques :

— Que va-t-on en faire ?

Le colonel me fixe un instant du regard :

— Je crains beaucoup, dit-il, qu’il ne cherche à s’évader cette nuit.


Karelkowe, le 19 février/4 mars.

Le village de Gherewcowa est occupé par 240 Bolcheviks avec 2 canons et 4 mitrailleuses. Ce serait amusant de capturer ces canons, avec notre unique mitrailleuse ; mais ils ne feraient que nous encombrer.

Le capitaine Aprelef est allé prendre les ordres de Kornilof. Nous rejoindrons l’armée de volontaires demain à Lezgeanka, à l’entrée du gouvernement de Stavropol. Les vingt chevaux que nous avons pu nous procurer seront conduits par deux Kalmouks, que Gherchelman a décidés à se déclarer pour nous,