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Nowo-Tcherkask, avant de se mettre à table avec nous, éponge mon cheval, et soigne mes effets. Nous vivons ici sous l’ancienne discipline russe.


Kontorski, le 15/28 février.

De six heures à neuf, le canon se fait entendre dans la direction de Bataïski. Est-ce le général Erdeli, qui revient avec des renforts de Cosaques du Kouban ? Ou bien Allemands et Bolcheviks, — comme le prétendent des cavaliers arrivés ce matin, — sont-ils en train de s’entre-déchirer ?

Nos chevaux, insuffisamment nourris, n’en peuvent plus. Après une étape d’une vingtaine de verstes, nous nous arrêtons au khoutor Kouznetsovka, village sans Cosaques, ou le pope nous offre l’hospitalité la plus cordiale.

Il nous apprend que notre arrivée a été l’occasion d’une délibération orageuse au comité révolutionnaire. Le comité, réuni d’urgence, avait d’abord décidé de tirer sur nous ; mais il s’est ravisé : « les Cadets brûleraient le village ! » Cela nous intéresse médiocrement. Aquila non capit muscas. D’ailleurs le président et le secrétaire se sont enfuis, et les paysans ont fermé le bâtiment du soviet.

Une députation vient nous demander la permission de poser au colonel les questions suivantes : « Quelle est la situation sur le Don ? Lesquels ont le plus de chances, les Bolcheviks ou les korniloftzi ? » L’adjudant est envoyé pour renseigner sommairement ces… idéalistes.

Quelques anecdotes que nous conte le pope achèvent de nous édifier. L’éducation politique des paysans est faite par les soldats qui reviennent du front. Ils assistent encore aux services, mais se mettent à fumer et à cracher dans l’église. Quand le pope leur fait lire les affiches recommandant d’avoir une bonne tenue dans la maison de Dieu, ils sourient d’un air de supériorité : « Vous ne savez donc pas ? Maintenant, on est libre ! »


Karelkowe, le 16/29 février.

Nous arrivons à midi au zimovnik[1] Karelkowe, dont le propriétaire est un certain Goudovsky.

  1. Endroit protégé contre les vents froids et qui sert de pâturage pour les chevaux en hiver.