Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fantassins, cavaliers, artilleurs, tous ou presque tous officiers portant les insignes de leurs grades, sous les ordres des plus grands généraux russes. D’anciens commandants d’armée commandent des compagnies ; Dénikine, ancien commandant de groupe d’armées, un bataillon. A la tête de cette armée à l’effectif d’un régiment, marchent Alexeief et Kornilof, tous les deux fusil sur l’épaule, sac au dos, suivis par Elsner, Romanovsky, Dénikine, Markof, et tant d’autres.

Peut-être une prudence moins bien avisée eût-elle conseillé, après les amères déceptions de trois mois d’efforts inutiles, de dissoudre cette armée et de remettre à un lointain avenir la réalisation des plus chères espérances. Mais l’amour de sa patrie chez Alexeief et l’indomptable courage chez Kornilof ont été plus clairvoyants. Cette minuscule poignée d’hommes représente une impérissable idée qu’il importe de ne pas abandonner aux hasards d’un obscur avenir. Au milieu de cette folie générale de destruction, où tout semble avoir sombré à la fois, voici une clarté qui subsiste, une pensée lucide, un espoir invincible auquel se rattacher.

L’importance de ce brillant groupe d’hommes ne consiste pas en ceci, que ce sont tous des chefs sachant commander. Ils sont plus que cela, mieux que cela : ce sont des soldats, qui, au milieu de l’anarchie et par protestation contre elle, ont fait vœu d’obéissance. Pour prix de leur bien-être perdu, de leur sécurité compromise, de tant de sacrifices et de tant de dangers, ils se consolent avec la pensée de sauver le trésor cher aux patriotes. Ils emportent au cœur des steppes l’honneur de l’armée russe.


Olguinskaya-Stanitza, le 11/24 février.

Dès notre arrivée, nous nous présentons chez le général Kornilof, à qui le colonel Kornilof présente notre détachement.

Le général nous passe en revue : arrivé devant moi, il me serre la main et me pose quelques questions. Un dernier cri sorti de toutes les poitrines : « Hourra pour le héros Kornilof ! » Puis nous rompons les rangs et nous nous mettons en quête d’un abri. Tous les détachements volants seront dissous et réunis en un seul grand otriad de reconnaissance sous l’ancien sous-ataman du Don, le général Bogaévsky. Seul notre otriad, en récompense de sa belle conduite, conserve sa formation et son