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par tuberculose, trop longtemps tolérée chez nous. J’y ajouterai volontiers une certaine paresse d’esprit qui nous fait dédaigner les maladies à évolution lente. J’y ajouterai même un certain tour d’imagination qui a fait longtemps considérer la tuberculose comme un mal poétique, élégant, auréolé de je ne sais quelle noblesse prestigieuse.

Ce singulier préjugé à rebours dont il faut chercher l’origine dès le début du XIXe siècle, avec son « jeune malade à pas lents » a dû au romantisme l’épanouissement de son étrange floraison. La « pâleur romantique » dont la vogue fut due à une foule de causes qu’il serait facile, mais trop long de rechercher ici, la morbidesse fatale du poitrinaire, à qui le sort de certains tuberculeux célèbres comme Chopin a ajouté un lustre nouveau, tout cela est pour quelque chose dans les ravages qu’a causés chez nous le bacille de Koch. La force, la santé furent alors, ainsi que la gaîté elle-même, considérées comme des choses un peu vulgaires, indignes d’un véritable dandy, ou d’une femme distinguée.

Tout ce singulier prestige s’écroula le jour où on se mit à parler des tuberculeux, et non plus des poitrinaires, et où, à ce dernier mot qui se prête à tous les flous poétiques de la rêverie, on substitua l’autre qui évoque avec une précision toute pathologique la nature des lésions dont il s’agit. La Dame aux camélias fut la dernière héroïne, le champ du cygne de la tuberculose littéraire, et peu à peu on se reprit, suivant la noble esthétique des classiques et des Grecs, à aimer et à chanter ce qui est sain, gai et fort.

La vérité, c’est que la maladie est toujours une déchéance, — déchéance physique s’entend, — pour les individus comme pour leurs agrégats nationaux.


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Pour éviter, comme pour guérir à ses débuts, la tuberculose, il n’y a, comme je l’ai rappelé déjà, qu’un procédé éprouvé et véritablement efficace aujourd’hui : c’est la cure hygiéno-diététique dont tout le secret peut se résumer en ces trois termes : grand air, bonne alimentation, repos ; mais qui, dans l’application, comporte une quantité de précautions et de soins dont l’énumération, serait trop longue ici.

Dans une société idéale où chacun ferait spontanément son devoir, il est clair que l’éducation antituberculeuse du public serait non seulement l’alpha, mais aussi l’oméga de la lutte contre le fléau. Il suffirait que chaque individu sût exactement par quels moyens il peut