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quelques heures de là, un train entre en gare, rempli de vieux Cosaques de la stanitza Gniliofskaya, qui ont répondu au vibrant appel du Conseil militaire du Don, du « Kroug », et sont accourus en formation improvisée sous le colonel de Cosaques Sarenof. Il y a vingt ans qu’ils n’ont manié leurs armes et qu’ils vivent en dehors de toute discipline : peu importe, l’ardeur qu’ils nous témoignent, la chaleur de leur enthousiasme nous remplit d’espérance. Enfin ! le voilà, le secours tant de fois promis, et chaque fois refusé ! Un groupe d’artillerie, exclusivement servi par des officiers, est arrivé presque en même temps. Les officiers souhaitent la bienvenue aux Cosaques :

Ourrah, da zdrawstwouiout, Cosaqui ! Hourrah, vivent les Cosaques !

Et les vieux répondent en chœur, comme c’était l’habitude dans l’ancienne armée :

Zdravia Gelaiem, Gospoda Ofitzeri, ourrah, ourrah ! Nous souhaitons votre bonne santé, messieurs les officiers, hourrah, hourrah !

Il y en a de tous les âges, jusqu’à des vieux qui approchent de la soixantaine. À la haine invétérée pour les Boches, s’ajoute chez eux le mépris pour les ouvriers et les paysans qu’ils considèrent comme pétris d’un limon inférieur et aussi une vague inquiétude devant le danger imprécis des théories nouvelles. Ainsi s’est réveillée leur ardeur guerrière, évoquant les belles époques lointaines.

Les Cosaques sont partis vers Khopiorsk. Je m’endors tard, fatigué de la course et des émotions de la journée. Pendant la nuit, vers 3 ou 4 heures, je me réveille en sursaut : coups de canon et vive fusillade à proximité.


Chapri, le 2/13 février 1918.

Dans la matinée, quelques officiers, dont plusieurs blessés, reviennent furieux, se plaignant amèrement des Cosaques. Une demi-heure plus tard, c’est au tour des Cosaques de revenir, eux aussi très excités, et vociférant contre « messieurs les officiers. » Ce sont les mêmes que nous avions vus partir hier d’un si bel élan !…

Voici ce qui s’est passé.

Pour mettre tout de suite à profit les excellentes dispositions des Cosaques, on les a fait attaquer, sur le village