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technicien de vingt techniques, le spécialiste de vingt disciplines scientifiques.

Si notre artillerie satisfait aujourd’hui à tous nos espoirs, c’est que, dès le temps de paix, elle était constituée fortement, sinon en matériels, du moins en hommes, grâce à notre Ecole Polytechnique, à notre École de Fontainebleau, à notre Ecole de Versailles, à notre Ecole Centrale, et à toutes nos écoles d’ingénieurs ; et c’est que, depuis la guerre, au pays de Descartes et d’Ampère, en notre vieux pays de large culture et de science, nos artilleurs de carrière, tout en dirigeant la refonte de notre armement et tout en assurant le commandement des batteries engagées au combat, n’ont pas été en peine de recruter dans la nation, tant qu’ils en ont voulu, de jeunes officiers nouveaux, bientôt dignes de leurs anciens, assez doués intellectuellement pour s’initier vite à leur tâche ; et n’est-il pas admirable qu’en la seule année 1917 il soit sorti de notre Ecole de Fontainebleau jusqu’à dix mille aspirants et sous-lieutenants d’artillerie ? Leurs aînés les y instruisent, et s’instruisent eux-mêmes et se perfectionnent sans cesse, à mesure que les méthodes se renouvellent, dans les nombreuses écoles de la zone des armées : cours pratiques de tir pour les jeunes officiers dans les divisions et les corps d’armée, cours supérieurs pour les commandants de batterie dans les groupes d’armées, cours plus élevé encore pour les commandants de groupe et de groupement, et même pour le haut commandement, sous la haute direction du général en chef, c’est comme une vaste et vivante Université nouvellement sortie de terre, dont la base est l’Ecole de Fontainebleau, dont l’organe supérieur et régulateur est le Centre d’études de l’artillerie, lequel, pour assurer l’unité des vues et des pratiques, et par suite le bon rendement de l’arme, fixe périodiquement la doctrine.

Cette doctrine ne régit pas seulement l’artillerie française : toutes les artilleries alliées, ou presque toutes, ont, à des degrés divers, reçu et continuent de recevoir l’inspiration de la France. La France, tour à tour emprunteuse et prêteuse, et toujours aussi prompte à reconnaître ses dettes qu’à multiplier ses dons, se loue d’avoir tant reçu de ses alliés britanniques et américains, matières premières, charbon, acier, munitions. En retour, elle a ravitaillé la Russie (hélas I), la Roumanie, la Serbie, la Belgique, en explosifs, en projectiles, en canons : naguère si dépourvue elle-même d’artillerie lourde, n’a-t-elle