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engins destinés à attaquer les places fortes ou à les défendre, mais qui, vu leur poids, ne pouvaient être mis en batterie que sur des plates-formes, elles aussi très lourdes, et dont le montage exigeait un jour ou deux de travail.

Ils se prêtaient donc fort mal à des déplacements fréquents et rapides. Or, il peut se produire, même dans une guerre de mouvement, telles circonstances où, pour briser certains obstacles, par exemple pour atteindre des troupes abritées derrière une crête, il sera nécessaire d’amener vite sur le champ de bataille et de mettre en batterie sans plate-forme des pièces qui tirent des projectiles plus lourds que les pièces de campagne, à plus grandes distances, et selon des trajectoires plus courbes. Nous avions cru trouver la solution complète du problème en recourant aux canons courts, lesquels, tirant à faible charge, ont une faible longueur d’âme, une faible épaisseur de métal, et par conséquent pèsent relativement peu : six chevaux ou huit peuvent les traîner. C’est ainsi que notre armée avait été dotée, dès 1893, d’un canon court de 120 millimètres (canon Baquet, modèle 1890) et, peu après, d’un canon de 155 court (modèle 1893) ; enfin, à partir de 1904, d’un canon de 155 court à tir rapide (le canon Rimailho, dit 155 C. T. R.).

Il semblait d’ailleurs acquis en ce temps-là, — il y a quelque quinze ans, — que l’on n’aurait à employer cette artillerie lourde qu’en des cas fort exceptionnels. Une même doctrine régnait alors dans toutes les armées. Toutes admettaient que l’artillerie ne tire utilement qu’à la faible distance où il reste possible d’observer le tir, c’est-à-dire à quatre kilomètres au plus, et qu’elle ne doit pas prétendre à détruire l’artillerie ennemie, abritée comme elle derrière des positions masquées, et par conséquent invisible. Dès lors, une artillerie de campagne, très légère et très mobile, assistée, en de certaines circonstances limitées, par des canons courts, semblait devoir suffire : ni la longue portée, ni les gros calibres n’offraient d’utilité.

Cependant, après la guerre russo-japonaise, on vit avec surprise l’Allemagne s’orienter peu à peu vers la fabrication de canons de gros calibre à longue portée. Elle en vendait à des Puissances étrangères. A son exemple, notre industrie privée, pour satisfaire ses clients étrangers, étudia des modèles,