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liaison devenait de plus en plus lâche, de plus en plus ténue. Mais, de l’autre côté, l’armée britannique, qui avait, elle aussi, pris la tête, était dans un état d’épuisement tel que son chef ne croyait plus pouvoir la maintenir sur la ligne de front.

Ainsi, une fissure commence à se produire entre les deux armées allemandes, au moment même où une poche commence à se produire entre les deux armées alliées ; et cela juste autour de cette position de Saint-Quentin-la Fère qui est, géographiquement et militairement, le but que les deux armées se proposent.

Bülow a certainement le sentiment du danger qu’il court : car, il prend ses mesures à la fois pour combler la fissure et pour pénétrer dans la poche en voie de s’ouvrir devant lui. Il appelle, da toutes parts, les forces dont il peut disposer pour les porter en hâte sur sa droite au point menacé ; nous verrons ces troupes arrivant, hors d’haleine, et jetées successivement dans la bataille…

Mais Joffre n’a pas une vue moins claire de ce qui se passe ; et, à son tour, il prépare la manœuvre qui doit lui rendre la maîtrise de la situation. Sa première pensée est de sauver l’armée britannique et sa deuxième pensée, d’ailleurs connexe, est de maintenir cette armée en ligne. Il sait que, par ses ordres, l’armée Maunoury est sur les flancs de l’armée von Klück et empochera celle-ci de se rabattre sur l’armée von Bülow et de lui venir en aide ; il sait que l’armée Lanrezac est bien en mains et qu’après une belle retraite, elle brûle de réparer l’événement de Charleroi : son projet, à lui, est donc de foncer sur la fissure du front ennemi pour empêcher la poche de se produire dans son propre front.

A l’abri derrière l’Oise, l’armée Lanrezac se développe sur le puissant plateau du Marlois qui domine la rive adverse. C’est l’heure de lui demander un effort, un sacrifice. Sur la ligne Guise Saint-Quentin-la Fère, il faut tomber sur l’ennemi avant que celui-ci ait le temps d’accomplir son dessein.

Dès le 27 au matin, le général Joffre fait savoir au général Lanrezac qu’il considère l’offensive, projetée d’ailleurs par la 5e armée, comme indispensable. Il décide que la oe armée portera sa gauche, le lendemain 28, entre l’Oise et Saint-Quentin pour attaquer les forces ennemies marchant contre l’armée anglaise. Le général Lanrezac a toute la journée du 27 pour se