Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corps de cavalerie Sordet et les divisions de réserve et territoriales du général d’Amade, chargés de couvrir sa gauche, arrivèrent juste au moment où l’ennemi tombait sur celle-ci. Si bien que, quand les corps de von Klück se présentèrent sur la route de Cambrai, ils y trouvèrent, non pas Smith Dorrien en déroute, mais les forces françaises l’attendant de pied ferme et Smith Dorrien, lui-même, décidé à ne pas rompre d’une semelle. Après une dure matinée de combat, Smith Dorrien se décrocha face à l’ennemi. Les Anglais l’appellent « l’héroïque Ney » de cette retraite[1].

Pour les Allemands, la première manœuvre du mouvement tournant était manquée. Non seulement le corps de Smith Dorrien s’était dégagé, mais, en plus, il fallait compter, désormais, avec l’arrivée des divisions françaises sur la ligne d’opération en prolongement du front britannique.

Von Klück fut surpris : il ne pouvait pas admettre qu’un adversaire dont tous les renseignements et les communiqués annonçaient l’anéantissement, pût lui résister. Il pensa que le plus simple, pour en finir, était d’allonger encore sa propre manœuvre à l’Ouest. Nous dirons, tout à l’heure, dans quelles conditions.

Cependant, Douglas Haig, commandant le Ier corps anglais, faisait un effort inouï pour rejoindre le gros de l’armée. Nous l’avons laissé sur la haute Oise, à Etreux-Boué : de ce côté, il était serré de près par l’autre armée allemande, l’armée Bülow. Quel que fût le risque de l’opération, il se décida à descendre le cours de l’Oise sous le feu de l’ennemi. Non sans de pénibles sacrifices, il réussit et, le 29 août, toute l’armée britannique était rassemblée à la Fère. French la passait en revue, décimée mais non détruite ; il accordait à ses soldats un jour de repos derrière l’Oise, mais avec le dessein arrêté de ne pas s’exposer de nouveau à de tels risques et de reprendre la retraite, à marches forcées, dès le lendemain. Il se retirerait sur l’Aisne d’abord, puis sur la Marne, et même sur la Seine, s’il le fallait… Mais il ne ramènerait ses troupes au combat que quand elles seraient refaites et en état de se mesurer avec l’ennemi.

Von Klück avait repris sa manœuvre d’enveloppement, mais en tenant compte, cette fois, de l’élément nouveau que la

  1. Voir l’exposé de la Manœuvre du Cateau et toute la retraite de l’armée britannique dans l’Histoire illustrée de la Guerre de 1914, t. VII.