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c’est les demander, les voir, les répandre autour de soi[1]. C’est de l’altruisme facile, du patriotisme sans danger.

Ce qui donne un particulier intérêt, une acuité sans précédent, à la lutte si intelligemment entreprise ainsi contre la tuberculose, chez nous, c’est que non seulement la terrible maladie n’a pas diminué, mais qu’elle a au contraire beaucoup augmenté, depuis la guerre.

C’était fatal, et les causes en sont facilement aperçues : les rudes fatigues de la guerre sont dans beaucoup de cas une cause d’épuisement de l’individu, qui affaiblissent son organisme et rendent parfois aptes à contracter la tuberculose des hommes qui sans la guerre fussent restés indemnes. Parallèlement, beaucoup de blessés sont mis en état de moindre résistance (surtout les blessés des voies respiratoires) et offrent une proie plus facile à l’infection. Les risques de contagion dans la population ne peuvent que s’accroître par le retour dans leurs foyers de nombreux tuberculeux réformés.

Parmi les prisonniers et les rapatriés qui ont subi mille privations, la proportion des tuberculeux n’est pas petite. Que sera-ce lorsque nous aurons délivré les malheureuses populations de nos régions envahies où la tuberculose doit trouver, après tant de misères, des proies trop nombreuses et trop faciles ? À toutes ces causes nouvelles du développement de la grande peste blanche il faut ajouter celles-ci : le développement des industries de guerre a surpeuplé les cités, et (sans parler des réfugiés) y a jeté dans des conditions sanitaires moins bonnes un grand nombre des habitants des campagnes. En outre, la vie plus chère a obligé un grand nombre de petites gens à se nourrir moins bien, surtout parmi les employés et petits fonctionnaires. Même parmi les ouvriers pour qui l’augmentation des salaires a fait plus que compenser le renchérissement de la vie, il n’est pas sûr que, dans beaucoup de cas, le bien-être augmenté n’ait pas été précisément un marchepied nouveau pour la maladie, car trop des salaires excessifs n’auront servi qu’à multiplier la consommation de l’alcool qui, suivant une parole célèbre et trop vraie, « fait son lit à la tuberculose. »

Je manque actuellement de données numériques précises sur l’accroissement de la tuberculose en France qu’a dû, pour ces divers motifs, amener la guerre ; aurais-je d’ailleurs ces données, qu’il ne serait pas opportun de les publier actuellement. Un exemple que j’emprunte à un récent travail du docteur Petrovitch sur la tuberculose

  1. L’adresse de la Commission américaine de préservation contre la tuberculose en France est 12, rue Boissy-d’Anglas, Paris.