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En prélevant dans chaque division les meilleurs éléments pour en composer ses troupes de choc, elle avait rendu plus médiocres encore les formations de second ordre qui avaient précisément pour tâche d’assurer la garde des fronts tranquilles. Le principe du strosstrupp, s’il avait accru la valeur offensive de l’armée allemande, avait diminué sensiblement sa valeur défensive- L’armée française, au contraire, moins soumise à ce régime de la sélection à outrance, restait plus homogène.

Nous étions donc en présence d’une puissante masse d’attaque couverte par une façade d’effectifs. Et ce mot était plus juste encore que nous ne pouvions le croire. En dehors des divisions au complet qui lui servaient à mener l’offensive, les autres unités de l’ennemi étaient réduites à 50 et 60 hommes par compagnie. Sa supériorité numérique était moins grande dans la réalité que sur le papier. Le nombre de ses divisions qu’il n’avait jamais diminué, au contraire, faisait illusion. Mais s’il est possible dans la bataille en rase campagne de manœuvrer à l’abri d’un rideau de troupes qui abuse l’adversaire, il est difficile d’user de ce trompe-l’œil dans des opérations de longue durée, sans que l’adversaire s’en aperçoive.

C’est ce qui eut lieu le 18 juillet. Alors que, rendu furieux par la résistance inattendue qu’il trouvait en face de lui, l’ennemi jetait ses forces au Sud de la Marne, nous tombions sur son flanc droit entre la Marne et l’Aisne.

Le commandement français à son tour avait créé la surprise dans les moindres détails : arrivée à pied d’œuvre des troupes de contre-attaque et du matériel tenue rigoureusement secrète, assaut donné sans préparation d’artillerie. Quarante-huit heures avaient suffi pour grouper tous ces éléments. Après trois mois d’une lutte inégale et de terribles secousses, le commandement français se révélait en possession d’une méthode défensive appropriée aux moyens nouveaux des Allemands et d’une méthode offensive dont l’efficacité allait être démontrée par la’ victoire. Le char d’assaut non seulement contre-balançait le gaz toxique, mais jouait le rôle du sturmbataillon, instrument à la fois de la rupture et de l’exploitation. Jamais, dans cette guerre de lenteur, la parade n’avait suivi l’agression à intervalle si court.

On sait le résultat de la contre-offensive du 18 juillet et le renversement des rôles qu’elle a amené dans la campagne de