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l’absence d’unité de commandement, en dépit de tous les accords prévus, dissociait le jeu des réserves.

On connaît le mécanisme de l’offensive du 21 mars. Préparation d’artillerie très courte, brutale et violente. Renonçant à la destruction de la barrière fortifiée, comme il l’avait tenté à Verdun, l’ennemi ne cherchait qu’à mettre hors de cause le personnel. Les gaz toxiques extrêmement actifs et assez peu nuisibles dont ils disposaient, obtinrent le résultat voulu. À cette gêne ils joignirent une énorme supériorité d’effectifs. L’armée Gough, par exemple, comprenant 40 divisions, en eut 40 en face d’elle.

Submergées par ce torrent, les troupes anglaises, rompues, battent en retraite. En deux jours, l’armée allemande a porté la bataille en rase campagne. Devant elle des débris de divisions s’efforcent vainement de l’arrêter. A sa gauche, les premières divisions françaises accourent à marches forcées. La rupture étant acquise, il s’agit de l’exploiter sans perdre de temps : surprendre au fur et à mesure de leur arrivée les réserves franco-anglaises et les refouler successivement.

En vue de cette exploitation, les troupes allemandes avaient reçu une organisation, un règlement de manœuvre et un entraînement spéciaux. L’Allemand a toujours porté son attention sur les petites unités, montées en machines de combat. Le stosstrupp, qui a fait son apparition en 1916, en est la première ébauche.

Cette fois le bataillon d’infanterie est devenu l’unité type. Instruit à combattre par ses propres moyens, il marche en toute indépendance dans les limites de la mission qui lui est assignée. De ce chef, il est doté de tous les moyens matériels indispensables à sa progression, mais allégé de tout engin encombrant. Ainsi, peu de grenades à main (2 ou 4 par homme) ; pas de grenades à fusil. Le grenadier, ce roi de la bataille de positions, est déchu ; le tirailleur, armé du fusil, reprend le rôle prépondérant. L’arme capitale est la mitrailleuse légère et lourde. Des minenwerfer montés sur roues font l’office de canons d’accompagnement. Dans chaque compagnie trois catégories de combattants : les uns destinés au maniement de la mitrailleuse constituent l’élément de feu ; les autres, formés en stosstruppen, constituent l’élément offensif ; le reste est l’élément de soutien. Le bataillon est à même d’assurer lui-même, au fur et à mesure de ses pertes, le-remplacement des servants et des cadres de son