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infléchissement de hanches, la Vierge ayant l’air de reculer et comme de s’effacer devant l’Enfant divin qu’elle porte dans ses bras. En haut, dans un triangle doré, Dieu le Père se penche comme par l’ouverture d’une lucarne, montrant sa barbe blanche et tendant sa main bénissante.

Au commencement du XVIIIe siècle, un autre artiste local, Joseph Sanyer, de Prades, a décoré le retable de toute une série de panneaux sculptés, lesquels manifestent la même furie de mouvements, le même style à la fois naïf, maniéré et compliqué que tout l’ensemble de l’œuvre. Ces panneaux racontent, en trois parties, l’histoire du miracle du Font-Romeù : l’invention de la statue par le taureau et par le berger ; puis l’annonce du prodige à la paroisse d’Odello, et enfin le clergé et le peuple du village se rendant en procession vers le rocher où resplendit l’image sainte. Les autres compositions sont peut-être moins originales, mais elles ne sont pas sans mérite. Elles traitent, d’une manière très personnelle, les sujets traditionnels de l’Annonciation, de l’Adoration des bergers, de la rencontre d’Elisabeth et de l’Adoration des mages. Toutes ces figures, tous ces cartouches, tous ces médaillons, toutes ces coquilles sont environnées d’une végétation touffue aux tiges robustement élancées et contournées. Les colonnes torses, dont les spirales dorées semblent imiter les volutes des encensoirs, s’enguirlandent de ceps de vigne chargés de pampres et de grappes. La folle richesse de ce rococo éperdu, outre qu’il ne manque pas de style, ne parait nullement déplacée dans cette chapelle de paysans montagnards. C’est un luxe naïf, exprimant à merveille l’idée que les imaginations rustiques se font de l’habitation des grands de la terre et même des grandeurs célestes.

Ces paysans de la Cerdagne ont eu, en effet, l’intention de loger, à Font-Romeù, une très grande dame, — de lui offrir, dans leurs montagnes, une sorte de villégiature d’été. C’est la touchante impression qu’on a tout de suite, lorsqu’on monte à la petite chapelle aménagée au-dessus du chœur, derrière le retable du maître-autel, et qu’on appelle, en catalan, el camaril de la Vierge : « le petit salon » ou « le boudoir » de la Vierge.

On accède à cette chambre haute par un double escalier de porphyre, — le marbre rouge si commun dans cette région pyrénéenne et dont on s’étonne que les architectes du pays ne